Série de balados Les Voix du terrain
Les Voix du terrain
Bienvenue aux Voix du terrain, une série de balados produite par le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone (CCNSA). Le CCNSA met l’accent sur la recherche innovante et les initiatives communautaires visant à promouvoir la santé et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada.
Épisode 34 – Désincarcération et santé : éliminer les barreaux pour un changement systémique – Partie 4 : le BC First Nations Justice Council
Description
Désincarcération et santé : éliminer les barreaux pour un changement systémique est une minisérie dans le cadre des Voix du terrain. Elle a inspiré le rapport du CCNSA Derrière les barreaux : la surincarcération des Autochtones dans le système de justice pénale canadien, ses conséquences sur la santé et les possibilités de désincarcération. Ce rapport fait état de la crise de santé publique découlant de la surincarcération de membres des Premières Nations, d’Inuits et de Métis dans le système pénal canadien et explore des avenues pour la désincarcération grâce à des solutions de recherche fondées sur la justice communautaire, notamment des programmes de déjudiciarisation, des tribunaux autochtones et des pavillons de ressourcement dirigés par des Autochtones. La surincarcération a à la fois des effets immédiats et des répercussions négatives à long terme sur la santé et est un déterminant de la santé. Cette minisérie permet d’entendre des experts dans le domaine sur les réalités et les bienfaits des solutions de rechange qu’apporte la justice communautaire, leur lien avec la santé et ce qui serait nécessaire pour amener des changements systémiques et remédier aux injustices actuelles, qui se traduisent par une surincarcération des Autochtones à travers le pays.
Désincarcération et santé : éliminer les barreaux pour un changement systémique – Partie 4 : le BC First Nations Justice Council. Dans l’épisode d’aujourd’hui, nous discuterons avec Miranda Seymour, Mark Connelly et le Dr Jason Webb, du BC First Nations Justice Council (BCFNJC). Nous examinerons le projet pilote de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations mis en œuvre à Prince George, en Colombie-Britannique, et son fondement en vue de promouvoir la guérison, la sécurité et un sentiment d’appartenance chez les participants au moyen de pratiques qui tiennent compte des traumatismes. Nous examinerons également d’autres initiatives du BCFNJC, et la façon dont les collectivités peuvent s’impliquer pour promouvoir et rétablir la santé et la justice dans leur communauté.
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Biographies
Jason Webb, Ph.D., docteur en sociologie, est recherchiste en politique principal auprès du BC First Nations Justice Council. Après avoir décroché un doctorat en sociologie de l’Université York, Jason a obtenu une bourse postdoctorale auprès de l’Université Wilfrid Laurier, à la faculté de criminologie. Jason possède une expérience approfondie de la recherche qualitative dans les domaines de la pauvreté urbaine et de l’itinérance, et ses recherches portent sur des thèmes comme la réduction des méfaits, le commerce du sexe, la criminalisation de la pauvreté et l’économie politique. Il a récemment terminé un cours sur la politique du logement au Canada à l’Université McMaster. Se fondant sur une évaluation ethnographique rapide à Prince George, en Colombie-Britannique, Jason a conçu le programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations appelé « Circle of Courage » qui lui a valu l’approbation d’une demande de financement de la part de Sécurité publique Canada.
Miranda Seymour, avocate responsible des politique, est née à Prince George, en Colombie-Britannique, et est membre de la Nation Lheidli T’enneh. Elle est la fille de Laura Luth, la petite-fille de la défunte Mary Gouchie, et l’arrière-petite-fille de la défunte Lisette Seymour. Miranda possède un baccalauréat en arts et en géographie de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, un doctorat de droit de l’Université Thompson Rivers, et un Master of Laws de l’Osgoode Hall Law School. Miranda a été admise au barreau en Colombie-Britannique en 2015, et a exercé le droit pendant huit ans, principalement dans les domaines des testaments et des successions, avant de se joindre au BC First Nations Justice Council. Miranda est honorée d’avoir l’occasion de participer au travail transformateur du BC First Nations Justice Council, et a été emballée de se joindre à l’équipe en décembre 2023.
Mark Connelly a été embauché à titre de directeur adjoint de Northern Diversion and Healing pour diriger le projet pilote de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations à Prince George. Mark est issu de la population côtière salish de la Nation Stó꞉lō de l’île Seabird, du côté de sa mère, et descend de colons du côté de son père. Il a grandi à Prince George, où il vit depuis l’âge de deux ans. Mark détient une maîtrise en travail social centré sur l’amélioration des pratiques qui tiennent compte des traumatismes au profit des personnes autochtones, qui se fonde sur la neurobiologie des traumatismes, les expériences néfastes de l’enfance et la théorie de l’attachement. Il possède de l’expérience en soins de la santé, et a travaillé auprès de jeunes Autochtones dans des établissements de traitement des troubles de santé mentale graves et de la consommation de substances.
Andrea Menard – Je suis une personne métisse associée au gouvernement métis Otipemisiwak et je travaille sur le territoire visé par le Traité no 6 à amiskwacîwâskahikan (Edmonton). Ma famille est originaire de la colonie de la rivière Rouge, maintenant dissoute, dans le territoire du Traité no 1. Notre lignée métisse porte les noms de famille Bruneau, Carrière et Larocque.
Je suis honorée d’avoir été nommée parmi les cinq avocats les plus influents de 2023 par le magazine CIO Times et parmi les 25 avocats les plus influents de 2022 par Canadian Lawyer. Ces distinctions témoignent de mon profond engagement à collaborer avec les nations autochtones dans le cadre des traités 4, 6, 7, 8 et 10, notamment des collaborations avec le gouvernement métis Otipemisiwak.
Mon parcours personnel comme personne métisse oriente mon ambition de réformer les politiques pédagogiques et juridiques en milieu de travail grâce à l’inclusion des lois autochtones, et il est enrichi par mes études de doctorat en théorie de la dominance sociale et en pluralisme juridique à l’Université Royal Roads dans le programme de doctorat en sciences sociales.
En tant que chargée de cours de droit à la Faculté de droit de l’Université de Calgary et à la Osgoode Hall Law School, je développe et donne des cours novateurs tels que « Reconciliation and Lawyers » (réconciliation et avocats) (LAW 693) et « In Search of Reconciliation Through Dispute Resolution » (à la recherche de la réconciliation par le règlement des différends) (ALDR 6305). De plus, je suis conseillère pédagogique au développement pour l’indigénisation des programmes et des pédagogies au Centre for Teaching and Learning de l’Université de l’Alberta, le centre d’enseignement et d’apprentissage.
Denise Webb est associée de recherche au Centre de collaboration nationale de la santé autochtone. Elle est titulaire d’une maîtrise en sciences de la recherche sur les services de santé, avec une spécialisation en politique de santé et en santé autochtone, de l’Institut des politiques, de la gestion et de l’évaluation de la santé de l’Université de Toronto. Ses recherches portent sur l’intersection et la relation entre les politiques de santé et la santé publique des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Denise Webb est d’origine irlandaise et écossaise et est une aspirante alliée, travaillant à orienter les efforts de décolonisation des systèmes de santé et de la recherche sur les politiques.
Transcription
Denise Webb : Bienvenue aux Voix du terrain, une série de balados produite par le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone, le CCNSA. Le Centre s’intéresse à la recherche novatrice et aux initiatives communautaires qui visent à promouvoir la santé et le bien-être des populations des Premières Nations, des Inuits et des Métis partout au Canada.
– Musique –
Bonjour et bienvenue à Désincarcération et santé : éliminer les barreaux pour un changement systémique, une minisérie dans le cadre de Voix du terrain. Je m’appelle Denise Webb. Je suis descendante de colons irlandais et écossais et je vis en tant qu’invitée sur le territoire traditionnel non cédé des Lheidli T’enneh, au nord de la Colombie-Britannique. Je suis associée de recherche au Centre de collaboration nationale de la santé autochtone et je coanimerai cette minisérie en compagnie d’Andrea Menard.
Andrea Menard : Bonjour, tânsi, hello tout le monde. Et merci, Denise. Je suis métisse et juriste de profession, anticolonialiste et originaire de la colonie de la rivière Rouge, où les noms de mes familles sont Bruneau, Carrière et LaRocque. Je suis également titulaire d’une carte de membre du gouvernement métis d’Otipemisiwak, le gouvernement de la nation métisse de l’Alberta. J’habite présentement sur le territoire non cédé du Traité 6 et sur les terres de la région de la patrie métisse.
Je possède plus de 20 années d’expérience en droit et dans les secteurs gouvernementaux et juridiques des organismes sans but lucratif et du droit universitaire et réglementaire. J’ai tissé des liens dans tout le territoire maintenant connu sous le nom de Canada avec des Autochtones et des nations et des organisations autochtones, de même qu’avec des professionnels et des partenaires universitaires non autochtones avec qui je collabore dans le cadre de bon nombre de programmes et d’initiatives de décolonisation et de réconciliation.
Denise Webb : Merci, Andrea. Désincarcération et santé : éliminer les barreaux pour un changement systémique est une minisérie inspirée d’un rapport que j’ai rédigé et qui a été publié en 2024 par le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone sous le titre Derrière les barreaux – La surincarcération des Autochtones dans le système
de justice pénale canadien, ses conséquences sur la santé et les possibilités de décarcération. Ce rapport visait à contribuer à l’information sur la crise de santé publique que constitue la surincarcération des membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans le système pénal canadien. Ce rapport explore aussi des avenues pour la désincarcération grâce à des solutions de rechange fondées sur la justice communautaire, notamment des programmes de déjudiciarisation, des tribunaux autochtones et des pavillons de ressourcement dirigés par des Autochtones.
La surincarcération a des effets négatifs immédiats et à plus long terme sur la santé et constitue un déterminant de la santé. Cette minisérie de balados offre une occasion d’écouter des experts de la question et des personnes ayant de l’expérience de travail dans le système pénal et d’en apprendre un peu plus sur cette question, sur les changements qui sont nécessaires et sur la façon dont les lois et les principes juridiques autochtones peuvent être respectés et maintenus en vue de favoriser l’émergence d’un système de justice distinct, dirigé par les Autochtones.
Je suis incroyablement reconnaissante à Andrea, qui a gracieusement accepté de soutenir le CCNSA en dirigeant et orientant les travaux pour la réalisation de cette minisérie; en partageant ses connaissances, son expertise juridique et sa passion pour cette question. C’est un honneur de vous voir avec nous, Andrea.
Andrea Menard : Aucun problème, Denise. C’est un plaisir pour moi d’être ici et de coanimer avec vous, et d’avoir l’occasion de mener ensemble des entrevues avec des personnes formidables qui travaillaient à éliminer les obstacles systémiques et à entraîner des changements qui transforment le domaine pénal, changements qui ne sont pas toujours bien compris ou encore connus pour le moment.
Alors, j’apprécie beaucoup l’espace que le CCNSA a offert à cet important balado. Mon objectif est de créer une dynamique en apprenant ce que font les autres et de faire en sorte que les choses avancent de la bonne façon.
– Musique –
Denise Webb : Dans l’épisode d’aujourd’hui, nous discuterons avec Miranda Seymour, Mark Connelly et le Dr Jason Webb, du Conseil juridique des Premières Nations de la C.-B. – le BCFNJC ou tout simplement leConseil de justice. Nous en apprendrons davantage au sujet d’initiatives novatrices mises en œuvre par le BCFNJC, qui visent à décoloniser le système de justice pénale, et à fournir des approches en matière de décarcération qui sont sécuritaires sur le plan culturel pour les personnes issues des Premières Nations à l’échelle de la Colombie-Britannique. Nous avons pu nous rendre compte de l’importance de ces approches en vue d’appuyer la santé et le bien-être optimaux, et de s’attaquer aux déterminants sociaux de la santé.
Andrea Menard : Dans la première partie de cet épisode, nous examinerons le nouveau projet pilote de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations mis en œuvre à Prince George, en Colombie-Britannique. Nous en apprendrons plus sur l’élaboration du programme, et sur son fondement en vue de promouvoir la guérison, la sécurité et un sentiment d’appartenance chez les participants au moyen de pratiques qui tiennent compte des traumatismes et de rencontres avec les participants là où ils se trouvent.
La deuxième partie sera consacrée à l’examen d’autres initiatives du BCFNJC, et de la façon dont les collectivités peuvent s’impliquer pour susciter des changements dans leur communauté afin de promouvoir et de rétablir la santé et la justice.
– Musique –
Denise Webb : Bienvenue Miranda Seymour, Jason Webb, et Mark Connelly à cette minisérie de baladodiffusions. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de venir nous faire part de votre expertise et nous parler du travail du BC First Nations Justice Council (« Conseil de justice des Premières Nations de la Colombie-Britannique ») ainsi que de son programme de déjudiciarisation, parmi les nombreux programmes et initiatives en place. C’est un honneur de vous recevoir et nous sommes enthousiastes de vous accueillir ici.
Je me demande si vous pourriez d’abord vous présenter auprès de nos auditeurs, nous parler de vos expériences et de votre rôle au sein du Conseil de justice des Premières Nations de la Colombie-Britannique? Miranda, peut-être pourriez-vous commencer?
Miranda Seymour : Bonjour! Mon nom est Miranda Seymour. Je suis née et j’ai grandi en partie à Prince George, et en partie à Calgary. Je suis membre de la nation Lheidli T'enneh, qui est une Première Nation établie ici, en Colombie-Britannique, et qui est composée de plus de 800 membres de la bande, et dont le territoire traditionnel et non cédé couvre l’ensemble de la ville de Prince George, et s’étend vers l’est jusqu’à la frontière de l’Alberta, et aussi loin vers l’ouest et le sud jusqu’à la rencontre d’autres nations avoisinantes. Lheidli T'enneh veut dire « le peuple au confluent des deux rivières », qui fait référence à la rivière Nechako et au fleuve Fraser. Mes racines remontent à ma mère, Laura Luth, à ma grand-mère défunte, Mary Gucci, et à mon arrière-grand-mère défunte, Lizette Seymour.
En ce qui a trait à ma formation, j’ai obtenu un baccalauréat en arts et en géographie de l’Université du Nord de la Colombie-Britannique, un doctorat de droit de l’Université Thompson Rivers, où j’ai fait partie de la toute première classe. En fait, notre classe vient de célébrer ses retrouvailles de dix ans cette année. Je suis également titulaire d’un Master of Laws de l’Osgoode Hall Law School.
J’ai été admise au barreau en Colombie-Britannique en 2015, et avant de me joindre au BC First Nations Justice Council, j’ai exercé le droit pendant huit ans, principalement dans les domaines des testaments et des successions. Pendant cette période toutefois, j’avais surveillé la croissance du BC First Nations Justice Council, et j’ai été ravie de me joindre à l’organisme en décembre 2023. Je travaille au sein de l’équipe des politiques en tant qu’avocate responsable des politiques. En dehors du travail et de mes études, j’aime les animaux, et en ce moment, j’ai deux très vieux puggles; il s’agit d’un frère et d'une sœur qui s’appellent Kootenay et Kennedy.
Je tiens à préciser rapidement que Mark, le Dr Webb et moi-même sommes des employés du BC First Nations Justice Council, et j’expliquerai plus tard que le conseil de la justice est constitué d’un conseil de six membres. Ainsi, nous ne représentons pas les points de vue de notre conseil, et nous ne parlons pas au nom de celui-ci aujourd’hui; nous intervenons plutôt en notre qualité de membres du personnel du BC First Nations Justice Council.
Jason Webb : Bonjour à toutes et à tous. Je m’appelle Jason Webb. Je suis recherchiste en politique principal auprès du BC First Nations Justice Council. J’ai assumé ces fonctions en février 2023, au départ à titre d’employé contractuel chargé de la conception du projet pilote dont nous traiterons aujourd’hui, et je suis ensuite devenu employé permanent à temps plein au tout début de la nouvelle année.
J’ai un doctorat en sociologie de l’Université York. J’ai ensuitee. Nous examinons toujours les données, et ma contribution à celles-ci, ma première publication, a fait l’objet d’une demande de révision et de soumission à nouveau (R&R) de l’International Journal of Homelessness. Ma formation porte principalement sur les domaines de la criminalisation de la pauvreté et l’itinérance au Canada. Je me penche souvent sur des théories relatives à l’aliénation et la marginalisation, et à des sociétés post-industrielles. Cela veut donc dire que j’examine beaucoup de théories sur les idéologies de la citoyenneté. Je possède aussi une formation très solide en recherche ethnographique communautaire, dont nous parlerons un peu aujourd’hui, et cette recherche a permis d’orienter le projet pilote.
Je suis un colon britannique; ma famille est établie ici depuis peu. De plus, je travaille et habite à Toronto, en Ontario, qui est couverte par le Traité no 13, ainsi que par Dish with One Spoon Treaty. Je suis très heureux d’être ici, et j’ai hâte d’amorcer notre conversation.
Mark Connelly : Bonjour tout le monde. Je m’appelle Mark Connelly. J’ai été embauché au poste de directeur adjoint, Northern Diversion and Healing, du BC First Nations Justice Council. J’ai commencé à travailler ici le 6 mai, et cela fera bientôt quatre mois; je suis donc assez novice au sein de l’organisme.
J’ai décroché mon diplôme de premier cycle et ma maîtrise en travail social à l’UNBC, et je me concentre fortement sur les pratiques qui tiennent compte des traumatismes auprès des personnes autochtones, et sur les façons d’améliorer ces pratiques qui tiennent compte des traumatismes au sein de notre système de santé actuel. Lorsque j’ai fait le saut vers le domaine de la justice pénale, je croyais que cela allait être très difficile, mais, malheureusement, il existe de nombreuses corrélations étroites entre les disparités des personnes autochtones dans notre système de justice pénale et celles qui existent dans le système de santé. Une grande partie de la transition vers ce domaine se fait donc tout naturellement.
Ma formation avant le travail social : j’ai été chef cuisinier et directeur général des restaurants Earl’s pendant environ 20 ans; je crois donc que c’est pour cette raison que j’ai obtenu ce poste – mon expérience de gestion permettait d’appuyer le développement de notre centre de déjudiciarisation ici, à Prince George.
Je suis issu de la population côtière salish de la Nation Stó꞉lō du côté de ma mère, de l’île Seabird, juste à l’extérieur d’Agassiz, et du côté de mon père, je descends des colons irlandais et allemands. Je vis et je réside sur le territoire traditionnel Lheidli T'enneh. J’ai déménagé ici quand j’avais deux ans; je dis donc essentiellement que je suis né et que j’ai grandi à Prince George. Ainsi, je connais les disparités auxquelles notre communauté a fait face, qu’elle a subies, et qui ont pris de l’ampleur sur ces terres. Mon expérience de travail auprès des gens dans le secteur des services jumelée à mon expérience du travail social et dans le domaine de la santé nous offre l’optique dont nous avons besoin, vous savez, pour appuyer le Conseil de justice, ici, en Colombie-Britannique.
Andrea Menard : Pouvez-vous s’il vous plaît fournir un aperçu approfondi du BC First Nations Justice Council, y compris de son établissement, son mandat, ces objectifs, etc.?
Miranda Seymour : Oui, je vais y aller en premier. Je vais donner un bref aperçu de la façon dont le conseil a été mis sur pied, puis je laisserai la parole au Dr Webb, qui nous en dira plus au sujet du Conseil de justice.
Alors, le BC First Nations Justice Council a été mis sur pied en 2015, grâce à des résolutions adoptées par le First Nations Leadership Council, qui est constitué de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, du Sommet des Premières Nations et de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique. Le mandat du Conseil de justice provient des Chefs de la Colombie-Britannique, et nous représentons les 204 Premières Nations de la C.-B. en ce qui concerne les questions d’ordre juridique. Il s’agit d’un effort qui vise à provoquer un changement dans le système de justice, ce qui comprend le travail en vue de réduire le nombre de personnes autochtones en prison et le nombre d’enfants autochtones pris en charge.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre collaboration avec les peuples, les dirigeants, les organismes, les fournisseurs de services et les partenaires du secteur de la justice autochtones afin de mettre en œuvre la stratégie de justice en Colombie-Britannique.
Jason Webb : Merci Miranda. Je vais poursuivre : en février 2020, le BC First Nations Justice Council a rendu public la BC First Nations Justice Strategy; il s’agit du document à partir duquel nous travaillons tous, et que nous entendons concrétiser. La BC First Nations Justice Strategy est donc constituée de 25 stratégies, qui sont à leur tour divisées en 43 axes d’action.
Ce programme pilote fait essentiellement partie de la première stratégie. La première stratégie vise l’inclusion ou la présomption de l’inclusion de la déjudiciarisation pour les personnes autochtones qui se trouvent impliquées à tous les niveaux du système de justice pénale, y compris avec la police, dans les tribunaux et dans le système correctionnel, ainsi que dans les initiatives post-carcérales. Le programme pilote se veut en grande partie une réflexion et une concrétisation de la première stratégie.
Denise Webb : Excellent, merci à vous deux. Beaucoup de choses sont en marche, et j’ai hâte d’entrer dans le vif du sujet.
J’aimerais en savoir plus sur les types de programmes et d’initiatives qui existent au sein du BC First Nations Justice Council ou du Conseil de justice, y compris les centres de justice autochtone que vous avez mentionnés plus tôt, Miranda. Pouvez-vous nous donner un autre aperçu des types de programmes qui existent?
Miranda Seymour : Oui, certainement. Comme mentionné précédemment, le Conseil de justice est guidé par un conseil fort, composé de six directeurs et directrices. En ce moment, les directeurs et directrices sont : Kory Wilson, la cheffe Lydia Hwitsum, Clifford White, Andrea Hilland, Boyd Peters et la Dre Judith Sayers. Nous disposons également d’un réseau de centres de justice autochtone (Indigenous Justice Centers, ou IJC) à l’échelle de la province. Neuf IJC ayant pignon sur rue exercent à l’heure actuelle leurs activités à Prince George, Prince Rupert, Merritt, Chilliwack, Vancouver, Victoria, Nanaimo, Kelowna, et Surrey, ainsi qu’un IJC virtuel qui dessert l’ensemble de la province. Nous prévoyons également de mettre sur pied six IJC supplémentaires d’ici la fin de 2024. Grâce à ces IJC supplémentaires, nous espérons desservir certaines des régions les plus éloignées et les plus mal desservies de la province, tout en continuant, bien entendu, d’offrir les services du IJC virtuel.
Un autre de nos programmes et initiatives touche aux services Gladue. Ainsi, en 2021, le Conseil de justice a pris en charge l’administration et la gestion des services Gladue, qui étaient auparavant assurés par Legal Aid BC (le système d’aide judiciaire de la province). Cela comprenait la production de rapports Gladue de haute qualité, et l’amélioration de la rédaction de rapports Gladue et de l’enseignement sur les pratiques Gladue. Par exemple, le 4 et le 5 juillet de cette année, en partenariat avec la Continuing Legal Education Society of BC (CLEBC), le Conseil de justice a organisé de séances d’enseignement et de formation sur les pratiques Gladue, et si je ne me trompe pas, il est possible d’accéder aux enregistrements et aux documents de ces séances gratuitement sur le site Web de la CLEBC.
Le prochain programme touche à l’aide juridique. De façon semblable aux services Gladue, le Conseil de justice œuvre à la transition des services d’aide juridique pour les personnes autochtones en Colombie-Britannique, de Legal Aid BC au Conseil de justice. À l’heure actuelle, l’équipe de transition des services d’aide juridique travaille à l’élaboration d’un modèle d’aide juridique novateur et holistique, qui est très différent de l’actuel modèle d’aide juridique colonial, afin de fournir aux personnes autochtones de la Colombie-Britannique des services d’aide juridique plus efficaces et davantage axés sur la culture.
L'ensemble du travail du Conseil de justice consiste donc à écouter et à saisir les nombreuses voix des nombreuses collectivités partout dans la province. De septembre 2023 à janvier 2024, l’équipe de transition des services d’aide juridique s’est donc déplacée à travers la province pour tenir 36 réunions en personne et trois séances de consultation virtuelles auprès de personnes autochtones, de fournisseurs de services juridiques et de professionnels du domaine juridique. Les discussions et l’ensemble de la rétroaction fournie ont été consignées dans un rapport, qui est accessible sur notre site Web sous l’onglet « About Us » dans la rubrique « Reports and Publications ». L’idée est que ce rapport, ainsi que certains petits projets pilotes éventuels, permettra la formation du modèle de services d’aide juridique que le Conseil de justice administrera au profit des personnes autochtones de la Colombie-Britannique.
Une autre initiative touche l’éducation. Celle-ci provient de la stratégie no 20 de notre stratégie en matière de justice, et prévoit l’élaboration de normes relatives à la compétence culturelle et de programmes de formation pour toutes les personnes qui interagissent avec les personnes autochtones dans le système de justice. Une importante partie de ce travail se trouve encore à un stade embryonnaire, mais le plan consiste à élaborer des normes relatives à la compétence culturelle qui garantissent la formation des personnes qui travaillent dans les domaines de la justice et du maintien de l’ordre dans des compétences comme la sécurité culturelle, les répercussions de la colonisation, et sur la façon dont ils peuvent faire avancer la réconciliation et le bien-être autochtone.
Le dernier programme et la dernière initiative sur ma liste – bien qu’il ne s’agisse pas de l’initiative et du programme finaux sur lesquels le Conseil de justice travaille – concernent ce qu’on appelle le suivi de la justice (Tracking Justice), et s’inscrit dans le cadre de notre stratégie no 16 de la stratégie en matière de justice. Cette initiative comporte une exigence selon laquelle nous devons suivre le progrès et les incidences de la stratégie en matière de justice. Alors, si vous allez sur le site Web du Conseil de justice, sous l’onglet « Justice Strategy » et que vous cliquez sur « Tracking Justice », vous serez redirigé vers une page interactive qui vous permet de cliquer sur chacune des 25 stratégies individuelles, et prendre connaissance du travail réalisé en vue de faire progresser chaque stratégie. L’outil de suivi de la justice a été déployé lors de notre forum sur la justice 2024 cette année, et se veut un outil de responsabilité publique qui favorisera la transparence en mettant les renseignements sur le progrès de la stratégie en matière de justice à la disposition de tous. L’outil de suivi de la justice peut donc être utilisé non seulement par le Conseil de justice, mais également par les personnes autochtones et par nos partenaires gouvernementaux.
Un élément de l’outil de suivi de la justice que j’ai particulièrement apprécié, c’est qu’il a été élaboré dans le cadre d’un partenariat entre le Conseil de justice et une agence de conception appelée Metalab, qui a fourni de son temps et son expertise de façon bénévole. Je trouve également que c’est super qu’il s’agisse d’une forme de narration. Cela s’effectue de façon moderne, mais en fin de compte, il s’agit d’une façon pour nous de partager nos récits avec tout le monde.
Andrea Menard : Parlons maintenant du programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations de Prince George (Prince George Pre-Charge Diversion). C’est une question pour Mark Connelly. Qu’est-ce que ce programme, et comment fonctionne-t-il?
Mark Connelly : Merci. J’aimerais commencer par indiquer que le programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations de Prince George, aussi appelé programme pilote PG au sein du BCFNJC, reçoit un financement du gouvernement fédéral, alors que de nombreux autres secteurs du BCFNJC sont régis au provincial. Je suis impliqué dans cette sous-direction du BCFNJC, qui est directement financée par Sécurité publique Canada et le Fonds de prévention du crime chez les collectivités autochtones et du Nord, dans le cadre de notre intervention en vue d’appuyer la voie 1 de notre stratégie de présomption de déjudiciarisation.
Le programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations de Prince George a été essentiellement conçu pour simplifier les processus et pour soustraire les personnes autochtones au système de justice pénale. Ce que nous cherchons réellement à accomplir dans le cadre de nos partenariats, c’est qu’à ce point de contact avec le système de justice pénale, que nous considérons comme des interactions avec la GRC, nous voulons être en mesure d’orienter ces personnes directement vers des mécanismes de services sociaux. De nombreux services sociaux sont offerts, ici à Prince George, par Northern Health, Central Interior Native Health Society, qui œuvre directement auprès de personnes qui vivent dans la rue, ainsi que par Lheidli T'enneh, Carrier Sekani, Prince George Urban Aboriginal, et plusieurs autres ressources qui effectuent un travail remarquable dans nos rues. Nous ne visons pas le dédoublement des services, en ce qui concerne le volet travail social; il s’agit en quelque sorte de vouloir agir à titre de carrefour de services sociaux pour offrir aux personnes vivant dans la rue qui interagissent constamment avec le système de justice pénale une place où aller, à ce point de contact [avec la GRC] où les agents de la GRC peuvent les emmener directement au centre de déjudiciarisation, ici à Prince George.
Denise Webb : Nous nous demandons également, Mark, pourquoi avoir choisi de mettre en œuvre ce programme à Prince George, et quel est l’objectif de ce programme?
Mark Connelly : La ville de Prince George a été choisie à la suite des recherches et du travail réalisés par le Dr Jason Webb, qui participe à cette baladodiffusion, qui a examiné plusieurs communautés différentes, et qui a surtout constaté ce qui se passe ici à Prince George, en Colombie-Britannique. Ceux et celles d’entre nous qui habitent à Prince George, et qui se déplacent en voiture au centre-ville, peuvent constater l’itinérance et le fléau de la consommation de substances. Les propriétaires d’entreprises au centre-ville voient ce qui se passe en ce qui a trait à la justice pénale, les règlements municipaux, et le nombre d’interactions avec la GRC. Nous sommes tristement au premier rang dans plusieurs de ces catégories. Selon nos recherches, dans le système correctionnel de Prince George Corrections, 85 % de la population est constituée d’Autochtones, alors que la moyenne nationale est d’environ 46 %. Nous avons donc près du double de cette moyenne au chapitre de la population autochtone impliquée dans le système de justice pénale. De plus, notre centre-ville abrite une population supérieure de jeunes vivant dans les rues de Prince George, et cette population comporte un pourcentage plus élevé de femmes. Prince George a donc été choisie en raison de cette épidémie, qui est la situation dans laquelle nous nous trouvons.
Dans le cadre de ce projet global de réforme du système de justice pénale, le programme vise principalement à réduire le taux de récidivisme chez les populations autochtones, et de réduire le nombre de personnes autochtones au sein du système de justice pénale. Le centre de déjudiciarisation quant à lui permettra de réaliser de petites victoires, en offrant des services sociaux pour aider les personnes à adopter un mode de vie plus sain, de façon holistique.
Andrea Menard : Merci Mark. Je crois que le programme de déjudiciarisation est très important, car il prévient les inculpations répétées de ces personnes. Il s’agit donc d’excellentes nouvelles, selon moi. J’ai participé à un programme de déjudiciarisation des jeunes ici à Edmonton, avec le service de police d’Edmonton; il est donc bien de voir un programme de déjudiciarisation conçu pour les adultes. Ce programme s’adresse aux adultes et aux jeunes, c’est bien ça?
Mark Connelly : Nous nous occupons de personnes de tout âge, et nous ne nous concentrons pas uniquement sur les personnes autochtones, comme le fait notre gestion de dossiers. Comme nous sommes le BCFNJC, nous nous occuperons des populations autochtones, mais nous offrirons un soutien à toutes les personnes qui viennent à notre centre afin de les détourner du système de justice pénale.
Andrea Menard : C’est super. Alors, Dr Webb, en quoi a consisté l’élaboration du programme?
Jason Webb : J’ai une formation en recherche qualitative, tout particulièrement en recherche ethnographique communautaire. Selon moi, je crois que la meilleure façon de comprendre tout type d’enjeu social ou de justice dans la collectivité est de parler aux personnes qui sont principalement touchées par le problème, et de parler aux personnes qui sont le plus impliquées, et ce, dans le but de remédier à ces problèmes dans la communauté, n’est-ce pas? Cela ne veut pas nécessairement dire que je ne parlerai pas aux agents de police, mais dans ce cas en particulier, je ne l’ai pas fait. Ma préoccupation principale était de parler aux personnes vivant dans les campements et les rues de Prince George, ainsi qu’aux fournisseurs de services et aux organismes autochtones qui travaillent au centre-ville.
Comme nous avions des contraintes budgétaires et des contraintes de temps, nous devions présenter une proposition le plus rapidement possible. Après maintes réflexions et conversations avec des amis et des collègues, il a été décidé que j’entreprendrais ce qu’on appelle une « évaluation ethnographique rapide ». C’est une technique qui est utilisée aux États-Unis dans le système de santé et dans d’autres domaines. Par exemple, si une épidémie d’IST devait se déclarer au sein d’une collectivité, des ethnographes passeraient du temps avec les personnes les plus touchées par cette épidémie afin d’établir l’origine de la transmission, et de déterminer les pratiques exemplaires en vue de la contrôler. Il s’agit d’une technique très efficace qui permet de bien cerner la situation sur le terrain, et de déterminer ce qui se passe chez les organismes de services.
J’ai donc été invité à passer quelques semaines à Prince George, et mon séjour a été divisé en deux parties : la première partie a consisté à passer du temps dans les rues. Nous étions à ce moment en 2023, et il y avait donc deux grands campements à Prince George, le premier de ceux-ci étant à Moccasin Flats, alors qu’un autre était situé à l’angle des rues 1st et George. J’ai donc passé du temps à ces endroits pour parler aux gens, ainsi qu’aux personnes se trouvant entre les avenues1st et 3rd, à Prince George. C’est à ces endroits que sont situés de nombreux organismes de services; j’ai donc passé beaucoup de temps avec les gens là-bas. J’ai ensuite assisté à des rencontres en personnes et virtuelles avec des fournisseurs de services. Grâce à ces échanges, j’ai été en mesure de recueillir des notes d’observation sur le terrain, et de mener une analyse formelle. C’est ce qui a été à l’origine de la proposition – ces interactions et l’occasion de déterminer les besoins.
Mais en fin de compte, je crois que lorsque l’on regarde ce qui se passe spécifiquement à Prince George, on constate qu’il s’agit d’un problème au niveau des systèmes, n’est-ce pas? Prince George est considérée comme étant le « carrefour du Nord »; c’est la plus grande ville dans le Nord, et de nombreuses personnes y viennent de communautés éloignées afin d’accéder à des services ou de visiter leur famille. De plus, Prince George est située près du centre de correction provincial, le Centre correctionnel régional de Prince George. Les gens y sont libérés, puis sont pris au piège au centre-ville de Prince George, car cela coûte très cher de se déplacer quelque part, de rentrer chez soi. Il y a beaucoup d’autres raisons qui expliquent cette situation, mais il s’agit de la cause principale.
Je crois qu’au moment de concevoir ce projet pilote, ce que je souhaitais réellement faire était de créer un environnement sûr pour les personnes vivant dans la rue – il est essentiel qu’il y ait un espace sûr et adapté sur le plan culturel pour les gens, car les rues ne sont pas sécuritaires. Je souhaitais également appliquer un concept, une idée, qu’on appelle la sécurité ontologique. Autrement dit, lorsque les gens ont un sentiment identitaire et qu’ils trouvent leur place, on parle alors de prévention du crime. Lorsque les gens ont un sentiment d’appartenance et une conscience de soi, le lien avec la communauté devient si important. J’étudie l’itinérance depuis plus d’une décennie, et je peux vous dire avec certitude que lorsqu’on parle de disparités en matière de santé, voire de criminalisation, à mon avis, l’itinérance est une forme extrême de marginalisation sociale. C’est ce qui m’intéresse. Lorsque l’on examine le travail de Jesse Thistle sur l’itinérance des Autochtones, on constate que le problème n’est pas seulement le fait de ne pas avoir de logement, c’est également le sentiment de déconnexion de la terre, de l’esprit et de la communauté. Je crois que c’est absolument attribuable à la violence coloniale. Je crois que ce que je voulais faire au moment de concevoir ce programme pilote, ce n’était pas nécessairement seulement le fait d’offrir aux gens un espace, je voulais également leur donner l’occasion de renouer avec une sorte de communauté, même si celle-ci est temporaire.
Denise Webb : Merci, Dr Webb. Il est si intéressant d’entendre parler des principes qui ont orienté ce programme de déjudiciarisation, et de l’importance que ceux-ci lui donnent, soit, les principes de la sécurité et le sentiment d’appartenance. C’est incroyable.
Ma prochaine question s’adresse à Miranda : je me demande si vous pouvez nous dire quels genres de partenariats existent au sein du programme.
Miranda Seymour : Oui, certains partenariats ont déjà été établis, alors que d’autres continuent de se développer, et certains doivent encore être établis. Bien que tous les partenariats soient importants pour la réussite du programme, certains sont parmi les principaux.
Le premier partenariat a été établi avec la Nation Lheidli T'enneh, qui comprend le Chef et le Conseil Lheidli T'enneh, et la Lheidli T'enneh Elder Society. Puisque ce programme se déroulera sur le territoire des Lheidli T'enneh, et qu’un centre de déjudiciarisation physique y sera établi, il est extrêmement important de veiller à ce que tous les éléments de ce programme soient mis en place de la bonne façon, et surtout à ce que nous respections et suivions l’ensemble des traditions et protocoles locaux. À ce jour, nous avons eu quelques rencontres avec le Chef et le Conseil Lheidli T'enneh, et une rencontre avec la Lheidli T'enneh Elder Society, et nous sommes prêts à faire tous les efforts pour les consulter, maintenir la communication, et les impliquer autant qu’ils le souhaitent dans le Conseil de justice. Il s’agit de faire les choses autrement, et de mieux faire que ce qui a été fait par le passé. Personnellement, je me sens très privilégiée de vivre ici, à Prince George, et d’être une membre de la Nation pendant le lancement de ce programme sur le territoire des Lheidli.
L'autre relation principale que nous souhaitons favoriser est avec le détachement local de la GRC. La GRC sera la principale source de renvoi des personnes admises dans le programme de déjudiciarisation. Bien que les interactions entre le service de police et les personnes autochtones soient souvent négatives, nous souhaitons réellement changer cette façon de penser, et créer un changement de paradigme afin de nous éloigner d’un modèle de délits et de peines, au profit d’un modèle davantage holistique, et axé sur la guérison. Comme il a été mentionné, il s’agit de soustraire les gens du système de justice pénale et de les intégrer dans le programme, où nous voulons les rencontrer, là où ils sont, et leur fournir le soutien dont ils ont besoin, dans l’espoir qu’ils puissent amorcer la guérison, et rompre le cycle répété d’arrestation et d’incarcération.
D’autres partenariats essentiels consisteront à encourager la participation de plusieurs des formidables fournisseurs de services sociaux qui font un excellent travail à Prince George depuis des années et travailler avec eux. Par exemple, notre régie locale de la santé, qui s’appelle Northern Health, le Prince George Native Friendship Center, la Central Interior Native Health Society, la Prince George Urban Aboriginal Justice Society, et finalement, espérons-le, la Ville de Prince George. Ceci a également été mentionné; bien que notre lien le plus précieux soit avec les Lheidli T'enneh, nous reconnaissons également que la ville de Prince George est considérée comme étant un carrefour. Elle abrite des personnes autochtones venant d’un peu partout. Nous voulons donc également reconnaître toutes les personnes autochtones qui se trouvent en situation d’itinérance, et qui sont confrontées à d’autres difficultés dans la ville, et nous souhaitons créer des partenariats, par exemple, avec un Conseil tribal, ici à Prince George, soit le Conseil tribal Carrier Sekani, qui est constitué de six nations membres, ainsi qu’avec leur direction des services de bien-être, c’est-à-dire les Carrier Sekani family services.
Andrea Menard : Merci, Miranda. Alors Dr Webb, certaines des caractéristiques du programme se démarquent-elles de ce que l’on voit dans les autres programmes de déjudiciarisation qui existent?
Jason Webb : Oui, merci. Je dirais que je peux souligner trois points. Le premier est que le programme a pour objectif de venir en aide aux personnes autochtones en situation d’itinérance. Comme l’a souligné Mark, pas de façon exclusive, mais ce sont ces personnes que nous souhaitons principalement aider.
Deuxièmement, bien que la santé mentale, la réduction des méfaits et les pratiques qui tiennent compte des traumatismes soient les assises de ce programme pilote, je l’ai conçu dans une optique de décolonisation et de désincarcération. C’est là son fondement.
Le troisième point est que beaucoup de programmes de déjudiciarisation – de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations – sont très semblables à des initiatives de santé mentale. Comme je l’ai mentionné plus tôt, bien que notre programme comporte un volet de santé mentale, ce que nous recherchons, ce sont des résultats concrets en matière de justice. Ce que je veux dire par là, c’est que nous voulons que les gens n’aient aucun contact avec les services de police, et aucun contact avec l’ensemble du système de justice pénale colonial. Je sais que cela peut sembler être un noble objectif, mais c’est une chose que je souhaite voir. Comme vous le savez, nous voulons mettre fin au cycle dans lequel beaucoup de personnes autochtones en situation d’itinérance se trouvent.
La déjudiciarisation se produit à plusieurs étapes du système de justice pénale, avant et après la mise en accusation, avant le procès et après le plaidoyer. À mon avis, les initiatives après la libération font également partie du processus de déjudiciarisation, car, comme nous le savons, pendant les trois à cinq ans qui suivent la libération d’une personne, celle-ci court souvent un risque élevé de récidive. En ce qui me concerne, la mise en place d’une initiative post-libération qui permet aux gens d’accéder à un logement et à des mesures de soutien, ce qui consolide en quelque sorte la sécurité ontologique, fait également partie du processus de déjudiciarisation, non? Notre programme intervient avant le dépôt d’accusations, nous souhaitons donc obtenir des renvois de la part des organismes d’application des lois, mais également de la part des membres de la communauté. Dans certains programmes de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations, on note que des personnes de la communauté disent, par exemple : « il y a une personne sur ma rue qui ne va pas très bien. Elle semble être en situation de crise. Est-ce que quelqu’un peut venir l’aider? » C’est un peu comme un appel au 3-1-1 de la ville, sauf qu’au lieu d’appeler la ville, les gens nous appellent. Nous voulons offrir à ces gens l’accès à cet espace, afin qu’ils soient en sécurité, et pour que nous puissions les mettre en relation avec des services qui existent déjà dans les communautés.
Comme Mark l’a si bien expliqué, il ne s’agit pas d’un dédoublement de services; nous tentons de combler une lacune, parce qu’à l’heure actuelle à Prince George, ce sont les refuges qui agissent comme centre de déjudiciarisation. Nous voulons donc détourner les gens de là, et libérer les refuges, et leur donner du temps et de l’espace pour qu’ils puissent faire le travail important qu’ils font, pour que nous puissions faire le suivi des résultats concrets en matière de justice dont j’ai parlé plus tôt.
Mark Connelly : Oui, car dans d’autres exemples de ce programme de déjudiciarisation, beaucoup d’éléments sont fondés sur des préoccupations en matière de santé mentale. L’équipe de soins assistés par les pairs (Peer Assisted Care Teams, ou PACT), vient tout juste d’être mise en place à Prince George, grâce au Prince George Native Friendship Centre. Et lorsque nous avons rencontré la GRC pour la première fois, les surintendants et les autres agents chargés d’agents nous ont demandé : « n’êtes-vous pas la PACT? Cela ressemble exactement à la PACT. » Et bien non. La PACT se déplace pour intervenir en cas d’appels, comme notre voiture no 60, ici à Prince George, qui vient en aide aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale aigus. Notre programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations s’adresse aux personnes qui seront impliquées ou possiblement impliquées dans le système de justice pénale.
Les personnes qui se demandent comment elles peuvent obtenir un renvoi vers le programme de déjudiciarisation sont impliquées dans le système de justice pénale. Parce que nous avons environ 500 ans de retard en ce qui concerne la tentative de détourner les gens de ce système colonisé, nous devons désormais réformer le système de l’intérieur. Nous avons appris à parler leur langue grâce à la socialisation et notre formation et éducation. Alors, nous devons intégrer le système et ajouter une optique autochtone holistique à la façon dont nous guérissons les gens, car les personnes guéries aideront les autres autour d’elles à guérir. Les personnes guéries aident les familles à guérir, les familles guéries aident les communautés à guérir.
So will this take five years? No. Will this take seven generations? Maybe, but it's the work that we have to put into place to deconstruct the criminal justice system. And luckily, we're using public safety money to do so.
Denise Webb : Merci pour ce résumé détaillé, Dr Webb et Mark, c’est très utile.
Pouvez-vous nous dire de quelle façon les partenariats ou les réseaux au sein du programme sont utilisés pour aiguiller les participants vers les services dont ils pourraient avoir besoin?
Mark Connelly : Des services, comme ACT (Assertive Community Treatment) et ICM (Intensive Case Management), qui fournissent directement des médicaments, et qui œuvrent auprès de personnes ayant reçu un diagnostic de problèmes de santé mentale aigus au centre-ville de Prince George, et qui les gardent en relation avec leurs services, s’attaquent à ces questions de renvois croisés. Lorsque nous affirmons que la GRC est notre renvoi principal, c’est parce c’est l’organisme qui reçoit les appels. À part BC ambulance, la GRC est le seul autre service offert 24 heures sur 24 et 365 jours par année, qui intervient lors de ces situations d’urgence.
Il est difficile pour les personnes autochtones d’obtenir de façon normale les services sociaux dont elles ont besoin, car une éternité s’écoule avant qu’elles puissent obtenir un renvoi vers les services d’un travailleur social. Le centre de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations agira à titre de bureau et de centre misant sur des travailleurs sociaux formés pour désamorcer la situation, et pour appuyer les agents de la GRC qui ne comptent pas beaucoup d’années d’expérience dans le travail auprès de personnes autochtones de manière sécuritaire sur le plan culturel en vue de désamorcer la situation, puis d’offrir un soutien. Il ne s’agit pas seulement de les soustraire au système de justice pénale, le programme repose également sur les déterminants sociaux de la santé au sein du Canada, tout le monde en est au courant. Malheureusement, nous constatons les disparités en matière de santé auxquelles font face les personnes autochtones. Mais malgré la colonisation, de l’histoire des traumatismes intergénérationnels, il a aussi été question d’autodétermination en santé, et de la qualité des soins que les personnes autochtones souhaitent obtenir. Nous pouvons leur offrir autant de renseignements dont elles ont besoin et suffisamment de soutien, mais comme l’a indiqué le Dr Webb, ce sont les milieux dans lesquels elles vivent et où elles ont grandi. Le concept de l’enracinement dans les rues ne désigne pas seulement la situation des personnes vivant dans la rue, il désigne également le mode de vie auquel elles sont habituées, et l’endroit où leurs amis et leur famille vivent et résident. Elles ont l’autodétermination qui leur permet d’adopter ce mode de vie. Alors, comment nous assurer que ces personnes autochtones obtiennent l’équité dans l’accès aux soins de santé qu’elles méritent et qu’elles veulent?
Denise Webb : Cela rejoint quelque peu ma prochaine question. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet du lien qui existe entre le programme et la santé et le bien-être, soit pour les individus engagés dans le programme, soit pour l’ensemble de la communauté?
Mark Connelly : Comme nous l’avons mentionné, il s’agit d’un programme pilote pour la Colombie-Britannique rendu possible par le BCFNJC, mais sa conception se fonde sur les pratiques qui tiennent compte des traumatismes, les façons autochtones de savoir, et sur l’importance de le mettre en œuvre de la bonne façon. La santé et le bien-être de chaque personne sont la chose la plus importante. Il s’agit d’une chose qui s’est développée avec la personne, durant son passage de l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte. L’état dans lequel se trouve la mère alors qu’elle porte un enfant dans son utérus est également déterminant. Je le sais, car mes recherches et ma thèse étaient fondées sur la neurobiologie du traumatisme, la théorie de l’attachement et les expériences néfastes de l’enfance. Offrir des soins qui tiennent compte des traumatismes, c’est voir l’ensemble de la personne, ou comme l’a dit Miranda « rencontrer les gens là où ils sont ». Il ne s’agit pas simplement de rencontrer une personne à l’endroit et dans l’état où elle se trouve ce jour-là, alors qu’elle pourrait avoir une infection, une maladie chronique ou des problèmes de santé mentale, il faut prendre en compte l’ensemble de son bien-être holistique, de ses antécédents et des antécédents des générations qui ont fait de cette personne qui elle est aujourd’hui.
Il faut également tenir compte des déterminants sociaux de leur santé, de leurs milieux et de leur autodétermination, car nous savons que les personnes admises dans le programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations ne se diront pas toutes : « oui, la police vient de m’emmener ici, et c’est ici que je souhaite être aujourd’hui. » Non, il y aura des gens qui ne seront pas prêts à recevoir nos services à ce moment-là, mais nous devons demeurer disponibles. En ce qui concerne l’étape préalable au dépôt d’accusations, nous n’allons pas non plus uniquement exercer nos activités durant les heures normales de bureau, car nous savons que l’activité criminelle, les problèmes de santé mentale et le bien-être des personnes ne se produisent pas nécessairement du lundi au vendredi, de 8 h à 16 h. La collaboration avec la GRC impliquera le travail en dehors des heures normales de bureau. Le travail auprès de personnes au centre-ville de Prince George ne se passera pas pendant les heures normales de bureau, mais nous devons couvrir ces heures afin d’interagir avec le reste de la société. Ainsi, nos services bonifiés ne désigneront pas seulement les services que nous offrons, mais aussi la façon dont nous prenons en charge l’ensemble de la personne et de son bien-être à toute heure de la journée.
Denise Webb : En vous appuyant sur vos recherches sur les pratiques qui tiennent compte des traumatismes, vous avez examiné la prestation des services sociaux et des soins de santé dans la région de Prince George. Je me demande si vous pouvez nous aider à comprendre plus en profondeur, dans le cadre du programme de déjudiciarisation en particulier, comment peut-on décrire ce que sont les pratiques qui tiennent compte des traumatismes lorsqu’on travaille avec des personnes autochtones?
Mark Connelly : Eh bien, il s’agit d’une question large. Je crois que nous en avons déjà discuté. Lors de mes études universitaires de deuxième cycle, devant une salle pleine d’étudiants en travail social, j’ai mené un exercice – parce que ma thèse est fondée sur l’amélioration des pratiques qui tiennent compte des traumatismes dans le système de santé – et j’ai demandé aux étudiants d’écrire en quoi, selon eux, consistaient les soins qui tiennent compte des traumatismes. J’ai obtenu 17 réponses différentes. Examinons maintenant la déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations : c’est l’examen de la compréhension biopsychosociale des traumatismes qu’une personne peut avoir vécus, des difficultés qu’elle a surmontées, et des répercussions directes que cela a eues sur sa capacité à gérer les réalités de la vie. Il faut avoir une vue d’ensemble de cette personne et de ses compétences en vue de gérer les situations problématiques, car les anciens traumatismes ont déjà eu une incidence directe sur sa neurobiologie et sur son système de réponse au stress. La théorie de l’attachement a une incidence directe sur la confiance, l’amour et les liens. Les expériences néfastes de l’enfance se traduisent par de mauvais résultats en matière de santé; les personnes autochtones au Canada ont déjà de moins bons résultats en matière de santé que ceux de la personne moyenne qui entre dans le système de santé.
Andrea Menard: Je considère également qu’il s’agit d’une approche de décolonisation. Je veux dire, l’approche coloniale consiste à dire, par exemple : « vous devez m’écouter », « vous avez telles ou telles blessures », « nous allons vous mettre un pansement aujourd’hui ». Il s’agit de prendre un nouveau virage, et de décoloniser notre vie quotidienne et ce que nous avons été programmés à faire. Comment aborder, évaluer et prendre soin les uns des autres?
Mark Connelly : Mes recherches se penchent non seulement sur le système de santé, mais aussi sur le système de justice pénale, et sur la façon dont toute personne en position d’autorité pourrait être en train de traumatiser à nouveau la personne qu’elle tente d’aider. C’est très limitatif. Comme nous l’avons dit, notre objectif consiste à éviter toute interaction, mais pour le moment, nous ne pouvons qu’essayer de limiter ces interactions qui créent continuellement de nouveaux traumatismes, et qui peuvent entraîner la réincarcération de ces personnes.
Les mesures que nous prenons, et les mesures non prises que nous ne voyons pas sont des préjugés implicites qui ne sont pas reconnus. Moi, par exemple, je suis hautement formé pour travailler auprès de personnes autochtones en tant qu’homme autochtone, et j’ai encore des préjugés implicites dont je dois être conscient. Comment pouvons-nous alors éduquer les intervenants du système de justice pénale, qu’ils examinent la situation dans une optique holistique et autochtone afin qu’ils comprennent, non seulement la culture au sein de laquelle ils travaillent, mais les autres également, car celles-ci seront toutes légèrement différentes, d’une nation à l’autre, et d’une région du Canada à l’autre. Alors si vous allez de Prince George à Port Nelson, ou d’Edmonton à Toronto, vous devrez modifier vos pratiques. L’important c’est d’avoir en soi cette sensibilité humble pour être en mesure d’appuyer ces personnes autochtones, qu’il s’agisse de soins de santé, de travail social ou du système de justice pénale.
Andrea Menard : Ma question aux conférenciers est la suivante : les premiers répondants subissent également des traumatismes, et ils agissent en fonction de ces traumatismes, et ils n’ont pas reçu d’éducation approfondie sur les personnes autochtones; nous ne sommes pas tous pareils, nous ne vivons pas dans une société pan-autochtone. Je crois alors, Mark, que ce que vous proposez permettra également de réduire les traumatismes chez les premiers répondants, grâce à ce que fait le programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations. Est-ce que quelqu’un a des commentaires à ce sujet?
Jason Webb : Une des choses que nous avons pu constater dans la littérature sur la déjudiciarisation – il y en a beaucoup en provenance des États-Unis – c’est que l’un des avantages inattendus est le fait que les programmes de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations réduit la charge de travail des répondants individuels. Puisqu’ils n’ont plus besoin de conduire une personne à l’hôpital ou à un refuge, ils peuvent maintenant renvoyer une personne vers un espace sûr et adapté sur le plan culturel, où il est possible de désamorcer les crises et de mettre cette personne en rapport avec des services. Le programme a réellement cette incidence, et c’était indiqué dans la littérature. Je dirais donc que cela a certainement une incidence sur la manière dont les premiers répondants composent avec les traumatismes au travail. Oui, absolument.
Andrea Menard : Merci pour cette réponse, Jason. Je me demande comment ce programme de déjudiciarisation se compare au tribunal autochtone. J’avais l’habitude d’aller au tribunal autochtone de Calgary, nous l’appelons le tribunal autochtone, ici en Alberta (Edmonton Indigenous Court), et il me semble que c’est semblable à un programme de déjudiciarisation. Est-ce que quelqu’un a des commentaires sur la façon dont le programme est comparable à un tribunal autochtone?
Miranda Seymour : En ce qui a trait au tribunal autochtone, il s’agit d’un tribunal qui prononce des peines, et les personnes doivent plaider coupables avant de s’engager dans le processus. Bien que je ne veuille pas dénigrer les tribunaux autochtones, car ils effectuent un excellent travail à travers la province, je crois qu’ils demeurent quand même une composante du modèle colonial. Plusieurs d’entre eux se déroulent encore dans des palais de justice traditionnels (mais pas tous), bien qu’ils s’efforcent de faire les choses autrement. Souvent, le juge n’est pas assis à son banc, les sièges sont disposés selon une configuration circulaire, et des Aînés participent. C’est encore cette approche holistique. Souvent, je ne crois pas que les personnes qui se présentent sont appelées « contrevenants » ils se font appeler « clients », peut-être pour impliquer la victime ou les familles. Je crois que c’est semblable, et qu’il s’agit de tenter de mieux faire les choses et de voir l’ensemble de la personne, de bien regarder la victime et l’ensemble de la communauté dans le but de guérir la personne, en espérant qu’elle ne repassera pas à nouveau dans le système de justice. Ici, on parle d’une intervention qui s’effectue avant le dépôt d’accusations, on peut donc espérer prendre ces personnes en charge avant qu’elles n’entrent dans ce cycle, voire de rompre ce cycle.
Mais les tribunaux autochtones, aussi merveilleux soient-ils, pourraient faire l’objet de changements, de manière à représenter une réelle façon de faire autochtone, et une vraie justice réparatrice. Ces deux modèles sont semblables à certains égards, mais très différents à certains autres.
Andrea Menard : En Alberta, nous avons un tribunal de traitement de la toxicomanie, qui est assez semblable à un Healing to Wellness Court (tribunal du mieux-être), comme on l’appelle aux États-Unis. Je m’intéresse ici à la structure de ce programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations, car le tribunal de traitement de la toxicomanie possède une structure. Vous devez vous présenter, on ne vous accepte pas, vous devez surveiller le tribunal, et on vous acceptera peut-être. Vous devez ne pas avoir consommé depuis un certain nombre de jours. Si vous commettez une erreur, vous accumulez des points d’inaptitude, ce n’est pas tout à fait des points d’inaptitude, mais il y a quelque chose de semblable, non? Le but du tribunal de traitement de la toxicomanie – est c’est ouvert à tous – c’est de motiver les participants à terminer le programme, car ils ne seront pas accusés à la fin de celui-ci.
Est-ce qu’on accumule des points d’inaptitude dans le cadre de ce programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations? Y a-t-il une structure que les gens doivent respecter?
Mark Connelly : Pour ce qui est de la structure du programme de déjudiciarisation, il ne s’agit pas d’une feuille Excel avec des cases à cocher qui sert à suivre la progression des participants. Comme nous rencontrons les gens là où ils sont, dans les rues de Prince George, ce dont une personne a besoin pourrait être en partie semblable à ce dont une autre personne a besoin ou complètement différent. Certaines personnes tentent de réintégrer leur famille dans le Nak'azdli, ou à Fort Nelson. Chaque personne qui s’adresse à nous à une histoire différente. Parfois elles souhaitent simplement intégrer un programme désintoxication, car elles tentent d’obtenir un traitement. D’où l’importance des références croisées et de la collaboration avec d’autres fournisseurs communautaires, car il se pourrait, par exemple, que des travailleurs sociaux de Central Interior Native Health travaillent depuis des mois ou des années avec la personne qui nous aborde, et que cette personne soit enfin prête à suivre un programme de traitement. Ou si nous tentons de rapatrier une personne dans sa famille, il se peut que sa communauté de provenance ne soit pas très chaude à l’idée de la voir revenir dans l’état où elle se trouve. Alors, comment pouvons-nous appuyer cette personne sur la voie de la guérison en vue de la réintégrer à sa communauté et à sa culture?
Le fait d’avoir des dirigeants culturels sur place est bénéfique, mais ce n’est pas tout le monde qui est prêt à prendre part à une cérémonie complète. Certaines personnes ont beaucoup d’expérience au niveau des cérémonies, et veulent simplement obtenir de l’aide pour accéder à une tente de sudation, ou vous pourriez enseigner à une personne ce qu’est la purification par la fumée, et la façon dont elle peut aider les gens. Je ne vais certainement pas avoir de feuille de calcul qui sert à demander : « Avez-vous fait la cérémonie de purification aujourd’hui? Avez-vous appelé votre agent de libération conditionnelle? Avez-vous parlé à votre tante dernièrement? » Non, je vais plutôt me demander ce dont cette personne pourrait avoir besoin pour l’aider à guérir à ce moment-là de son parcours.
Miranda Seymour : J’allais aussi simplement mentionner – et le Dr Webb et Mark pourront peut-être intervenir si je ne le dis pas correctement – qu’il s’agit, à ce que l’on sache, du premier programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations entrepris et dirigé par un organisme autochtone. Je dis ça peut-être de façon incorrecte, mais la plupart des programmes de déjudiciarisation préalable à l’arrestation et au dépôt d’accusations aux États-Unis ont été mis sur pied, soit par des organismes d’application des lois, soit par des municipalités. Je crois que c’est semblable au Canada; ceux qui existent, d’après ce que l’on sait, n’ont pas été mis sur pied par des organismes autochtones. Je crois donc que nous traçons la voie, en ce sens.
Il se peut que ce à quoi ressembleront le programme de déjudiciarisation et le centre de déjudiciarisation dans un an soit différent de ce à quoi ils ressembleront dans cinq ans. Alors je crois que nous répondrons à certaines de ces questions en cours de route; ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Denise Webb : Super. Merci. À la lumière de ce dont nous avons discuté ici, sur le volet holistique du programme, et sur la façon dont le programme cerne l’ensemble de la personne et la rencontre là où elle est, je me dis que l’on pourrait avoir recours aux programmes de déjudiciarisation en tant que réponse de santé publique au profit des personnes autochtones qui interagissent avec le système de justice pénale.
Mark, je me demande si vous avez des commentaires à cet égard, en vous appuyant sur votre expérience de la création de ce programme, et sur votre expertise de sa structure et de sa forme?
Mark Connelly : Eh bien, la structure et la forme, c’est la façon de regarder le programme. La phrase « je regarde tout dans une optique qui tient compte des traumatismes » est devenue un slogan populaire au cours des 10 à 15 dernières années dans les milieux universitaires. Mais c’est l’essence même de la façon dont nous interagissons avec une personne. En tant que réponse de santé publique, ce sont 17 baladodiffusions supplémentaires sur la façon dont nous envisageons l’épidémie des opioïdes, la façon dont nous examinons les taux de cancer et de diabète, et la mortalité infantile au sein des populations autochtones, qui découlent tous des déterminants sociaux de la santé issus de la colonisation. Si les gens ne reçoivent pas des soins de santé adéquats, s’ils ne peuvent s’acheter de quoi manger, ou si un adolescent ne peut avoir de nouveaux souliers ou vêtements pour aller à l’école, on parle alors de subsistance; et on ne parle pas d’essayer de survivre à l’état sauvage, on parle de survivre au cœur de la société canadienne dans son ensemble.
Même les personnes qui vivent au-dessus du seuil de la pauvreté ont beaucoup de difficulté à maintenir un mode de vie sain. Pour ce qui est des personnes autochtones vivant dans la rue, et se fondant sur les nombreuses recherches du Dr Webb dans le cadre de ce programme, la majorité des crimes pour lesquels nous souhaitons soustraire ces personnes au système de justice pénale sont appelés « crimes de subsistance », en vue de se procurer de la nourriture ou pour appuyer la consommation de substances qui provient des traumatismes intergénérationnels. Et vous savez, je suis un fervent admirateur de Gabor Maté, et de sa citation : « ne demandez pas d’où vient la toxicomanie, demandez d’où vient la douleur ». Ceci est directement lié à la santé et aux résultats de santé des personnes autochtones au Canada.
Cela peut-il aider la réponse de santé publique? Oui. En m’appuyant sur toutes mes recherches, je constate que les personnes libérées des prisons, des établissements pénitentiaires, de cellules n’en sortent pas dans un état plus sain, que ce soit sur le plan mental ou le plan physique. Alors si des personnes vivent dans la rue et commettent des crimes de subsistance, quelles sont donc la qualité de vie et la qualité de la santé de ces personnes? C’est un peu en ce sens que je considère qu’il s’agit d’une réponse de santé publique.
Andrea Menard : Je ne sais pas si les gens le savent, mais à Edmonton, lorsqu’une personne est libérée de son incarcération, on ne lui fournit même pas un billet d’autobus, cette personne est coincée là.
Mark Connelly : Je ne le savais pas. Et c’est ce qui arrive à Prince George; il arrive que les gens qui travaillent au Fire Pit, qui est un organisme autochtone local qui essaie de nourrir la population du centre-ville, aperçoivent des personnes laissées au coin de la rue, vêtues de leur combinaison orange. Même si elles ont travaillé avec les services sociaux au sein du centre correctionnel, elles ne reçoivent aucune aide au moment de leur libération. Comme nous le savons, la zone du nord desservie par les services correctionnels s’étend de Williams Lake à l’océan Pacifique, et de la frontière du Yukon jusqu’à la frontière de l’Alberta; c’est une région dont la superficie est plus grande que celle de la France. Lorsque des personnes sont amenées, sans préavis, au centre correctionnel, après avoir été arrêtées et emmenées à un quelconque poste de la GRC, puis que des accusations ont été portées contre elles, et qu’elles ont intégré le système de justice pénale, elles sont ensuite amenées à Prince George. Peu importe d’où elles proviennent dans le nord de la Colombie-Britannique, ces personnes sont remises en liberté dans les rues de Prince George. Si on leur donne un billet, c’est un bon de taxi qui leur permet de se rendre au centre-ville de Prince George. Alors elles traversent le pont, et tournent à gauche jusqu’à Moccasin Flats, car elles ont établi des rapports au sein du Centre correctionnel de Prince George; c’est donc la communauté à laquelle elles sont habituées.
Si des personnes se trouvent en situation de détention provisoire, et que nous assurons leur prise en charge avant le dépôt d’accusations, tout en travaillant à leur prise en charge après leur remise en liberté, nous devons demeurer en contact avec le Centre correctionnel régional. Lorsque des personnes sont remises en liberté à 15 h 45, nous allons les chercher, et nous les aidons à maintenir un lien avec les services sociaux qui nous permettent de demeurer en contact avec ces nations. Nous pouvons rester en contact avec les agents de libération conditionnelle, les travailleurs sociaux et les médecins pour aider ces personnes à demeurer en contact avec eux et, nous espérons, retarder leur réintégration à la vie dans la rue ou aux activités de consommation de substances qui ont mené, en premier lieu, à leur incarcération.
Depuis que Greyhound a cessé d’offrir ses services dans le nord de la Colombie-Britannique, nous constatons que les taux de personnes autochtones assassinées ou enlevées ont monté en flèche. Toutes les autres entités font tout ce qu’elles peuvent; Northern Health BC Bus prévoit d’offrir des circuits de transport sécuritaires. C’est pour cette raison que le rapatriement est une composante du programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations, afin d’aider ces personnes à rentrer chez elles en toute sécurité.
– Musique –
Denise Webb : Miranda et Jason : Je me demande si vous pourriez nous en dire plus à propos des autres programmes communautaires de justice du BCFNJC, comme les centres de justice autochtone, l’Indigenous Women’s Justice Plan (plan de justice à l’intention des femmes autochtones), et le Fonds de justice communautaire?
Miranda Seymour : Nos centres de justice autochtone ne sont pas ce qui vient à l’esprit lorsque l’on pense à une clinique juridique plus traditionnelle. Nos centres adoptent une approche plus holistique en matière de justice, et nous visons à fournir des renseignements, des conseils, un soutien et une représentation adaptés sur le plan culturel directement aux personnes autochtones à l’échelon communautaire. Les avocats et le personnel qui travaillent depuis les centres de justice autochtone fournissent également un soutien complet en facilitant l’accès à des ressources, comme un logement, des traitements de la santé mentale et des dépendances, et des services d’aide à l’emploi.
En ce moment dans nos centres de justice autochtone, nous fournissons aux personnes autochtones des services juridiques et des services consultatifs dans les domaines de la protection pénale et la protection de l’enfance, peu importe si elles sont admissibles à une aide juridique. Pour en revenir à la stratégie no 1 de notre stratégie en matière de justice, maintenir la présomption de la déjudiciarisation, grâce aux centres de justice autochtone, les avocats et le personnel travaillent à la promotion de la déjudiciarisation lors de chaque interaction.
Dans les centres de justice autochtone, nous avons ce que l’on appelle des tantes (Aunties). Ce sont des personnes qui offrent un soutien adapté sur le plan culturel en vue d’aider les personnes autochtones à s’orienter sans le système de justice. Les tantes qui travaillent dans les centres de justice autochtone remplissent le rôle traditionnel de tantes et d’oncles dans de nombreuses communautés autochtones. Souvent, les tantes sont perçues comme des mentores et des modèles, elles peuvent ainsi guider les personnes autochtones durant les interactions stressantes avec le système de justice.
Des aînés sont également sur place dans nos centres de justice autochtone, et je vais partager avec vous une de mes expériences personnelles au centre de justice autochtone de Prince George. Je me rappelle qu’un jour, je travaillais au bureau, et ma porte était fermée alors que j’assistais à une réunion, mais j’ai cru sentir du foin d’odeur. Lorsque j’ai ouvert la porte de mon bureau, j’ai aperçu un Aîné qui effectuait une cérémonie de purification dans le bureau. Il est entré dans mon bureau et m’a demandé si je souhaitais être purifiée par la fumée. Nous avons eu une conversation, et il m’a demandé de quelle communauté je provenais et quelle était la nature de mon travail au Conseil de justice. J’avais passé plusieurs années en pratique privée dans des cabinets juridiques très traditionnels; j’ai donc été époustouflée par la manière dont je me suis sentie cette journée-là. Je me sentais plus légère, j’avais un sentiment de paix. Et bien que le travail que nous effectuons soit souvent lourd et stressant, je me suis sentie prête à affronter la journée. Je suis reconnaissante de pouvoir travailler pour un organisme qui s’engage à faire les choses autrement. Bien que plusieurs de nos équipes soient réparties à travers la province, j’aime cette idée que nous avons des Aînés dans nos centres de justice; ils s’engagent à faire en sorte que nous nous sentions en sécurité et unis.
Bon, le prochain programme s’inscrit dans le cadre de la stratégie no 11 de notre stratégie en matière de justice, qui demandait l’élaboration d’un plan de justice à l’intention des femmes autochtones (Indigenous Women’s Justice Plan, ou IWJP). Lors de l’élaboration de l’ébauche de la IWJP, les recommandations et appels à l’action issus de nombreux rapports ont été pris en compte, notamment les Appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, le rapport Red Women Rising, et le rapport du Symposium de la route des larmes, pour ne nommer que ceux-là. Une fois qu’une équipe de femmes a été mise sur pied, celles-ci ont présenté l’ébauche de projet directeur de la IWJP, lors de 17 séances de participation communautaire et trois séances de participation virtuelle, afin d’obtenir la rétroaction des membres de la communauté. Puis lors de notre forum annuel sur la justice cette année, l’ébauche finale du plan de justice à l’intention des femmes autochtones a été publiée. Il ne s’agit pas du rapport final, c’est une ébauche finale. Elle permet encore d’autres révisions. La IWJP est structurée de façon à accorder la priorité aux femmes. Comme notre stratégie en matière de justice dans son ensemble, elle englobe ce que nous appelons « Track Two Work » (travail de la voie 2), qui vise à faire reconnaître le droit à l’autodétermination des Premières Nations, la revitalisation des traditions juridiques et le respect de droits, valeurs et traditions uniques des peuples autochtones, y compris le contexte genré des traditions juridiques.
L'ébauche finale de la IWJP est accessible sur notre site Web, sous l’onglet « About Us: Supports and Publications ». Je porte même une épinglette commémorative, c’est une robe rouge, qui a été mise en circulation ou donnée lors de notre forum sur la justice pour célébrer le plan de justice à l’intention des femmes autochtones.
Denise Webb : Merci, Miranda. Merci de prendre le temps d’expliquer ces programmes supplémentaires, il se passe tant de choses au sein du Conseil de justice.
Je me demande s’il existe des liens avec la santé auxquels on peut penser au sein de ces deux différents programmes que vous venez de décrire, qu’il s’agisse du rôle des Aînés, du programme des tantes que vous étiez en train de décrire, ou même dans le cadre du plan de justice à l’intention des femmes autochtones?
Miranda Seymour : Oui, je dirais la valorisation, la reconnaissance et la mise en place de l’approche holistique. Les personnes qui se rendent dans les centres de justice bénéficient d’une approche différente de celle d’un cabinet juridique, où les gens se font simplement dire : « bon, racontez-nous votre histoire, puis nous irons au tribunal ». Comme je l’ai dit, nous examinons la possibilité de la déjudiciarisation lors de chaque interaction en espérant que le fait de passer par un tribunal traditionnel demeure une solution de dernier recours. Il s’agit de travailler à établir davantage de liens de confiance avec les gens, et non de faire passer les gens dans un entonnoir au moyen d’interactions rapides. Il s’agit aussi de réduire la stigmatisation associée aux problèmes juridiques, surtout dans les domaines de la protection de l’enfance et de la justice pénale, ce qui peut être compliqué et stressant, et avoir des répercussions néfastes sur les gens. Je crois que voir la personne dans son ensemble, et la rencontrer là où elle est, dans des situations où elle n’est peut-être pas prête ou disposée à se prévaloir des mesures de soutien accessibles, comme un traitement ou de l’aide en raison de troubles de santé mentale ou de dépendances, et c’est correct. Nous serons encore là, les tantes sont là, les Aînés sont là pour continuer de les appuyer sur la voie de la guérison, peu importe le type de soutien dont cette personne a besoin.
Il y a tant de femmes qui travaillent au Conseil de justice, et c’est formidable à voir. Parfois quand j’assiste à des réunions, je regarde l’écran et je ne vois que des femmes. C’est agréable à voir, surtout pour moi qui proviens d’un cabinet juridique traditionnel, qui ressemble encore à une sorte de « club de vieux garçons » toujours dominé par les hommes, quoique les choses évoluent. Il s’agit donc, exactement comme vous venez de le dire, de ne pas « redonner » le pouvoir aux femmes – elles l’ont toujours eu, en particulier au sein de nos sociétés matriarcales. Le fait de me sentir entourée par toute cette énergie et toute cette guérison est très rafraîchissant.
Jason Webb : L’autre initiative que nous avons lancée cette année, le fonds de justice communautaire (Community-Based Justice Fund), est un partenariat avec le ministère du procureur général de la Colombie-Britannique. Je devrais commencer par dire que ce fonds est notre façon de faire progresser la stratégie no 15 et la stratégie no 24. La stratégie no 15 vise à assurer que chaque communauté des Premières Nations puisse élaborer et élargir ses propres programmes de justice. La dernière, la stratégie no 24, vise à accroître le nombre de travailleurs juridiques issus des Premières Nations. C’est ce que nous essayons de faire avec le fonds de justice communautaire.
Individuellement, les communautés peuvent présenter une demande, et plusieurs municipalités peuvent présenter ensemble une demande en tant qu’une seule nation. Chaque demande a une valeur de 42 000 $. Par exemple, si sept communautés présentent une demande en tant qu’une seule nation, elles peuvent recevoir 294 000 $. Il y a deux volets de financement : le premier volet vise les communautés qui souhaitent élaborer un plan de travail sur la déjudiciarisation, si elles veulent faire progresser le dialogue communautaire, prôner un financement de base durable ou plaider en faveur de ce celui-ci. C’est exactement ce dont beaucoup de gens ont besoin aujourd’hui, et cela permet aux communautés qui le souhaitent de créer une trousse à outils en matière de déjudiciarisation ou organiser des événements de mobilisation au sein de leur communauté. C’est ça le premier volet.
Le deuxième volet vise les communautés qui ont déjà en place des programmes de justice, et c’est notre façon de réellement promouvoir l’autodétermination des communautés, pour les aider à prendre soin d’elles-mêmes et les unes des autres. C’est ce qui nous passionne vraiment. Le formulaire de demande est disponible sur notre site Web, à BCFNJC.com (lien en anglais). Et oui, de nombreuses nations ont déjà présenté une demande, et nous nous réjouissons de voir le fonds aider les communautés.
Denise Webb : La prochaine question est pour tous les conférenciers : Plus largement, quels défis avez-vous rencontrés dans le cadre de ce travail et de la mise en œuvre de programmes, et que pouvez-vous nous dire sur la façon dont le Conseil de justice a surmonté ces défis? Qu’il s’agisse de défis en lien avec le financement, la bureaucratie ou autre chose de cette nature. Peut-être pourriez-vous commencer Jason?
Jason Webb : Oui. À titre personnel, je crois – je veux dire avant de travailler pour le Conseil de justice – je me sentais un peu comme dans une tour d’ivoire, et je n’avais pas beaucoup d’interactions avec le système juridique ou le système de justice. Je n’en ai pas parlé plus tôt, mais une grande partie de la conception de ce programme est fondée sur le principe des soins radicaux, et j’ose même dire l’amour radical. C’est le principe que dans les recherches et lorsque l’on pense à l’itinérance au Canada, nous abandonnons beaucoup trop rapidement les personnes qui ne se conforment pas à cette façon très coloniale de vivre, et je vois beaucoup de personnes en situation d’itinérance se faire abandonner par le système. Selon moi, nous devons repenser la façon dont nous prenons soin les uns des autres, et pour ce faire, il faut parfois réellement incarner ces soins radicaux et cet amour radical afin de ne jamais baisser les bras et abandonner des personnes.
Venant d’une personne qui n’a pas travaillé au sein du système juridique, cela peut sembler complètement utopique, voire absurde, n’est-ce pas? Les agents d’application de la loi, les avocats de la Couronne et les juges vont se dire de façon sarcastique : « Ah oui, quelle excellente idée! ». Ce n’est pas le fait qu’il y a un titre qui précède mon nom, c’est la qualité et la force de l’idée qui importent. J’ai toujours été assez conscient de ça, cela m’a toujours semblé être un défi personnel. Mais je me suis rendu compte, depuis que je travaille ici, qu’il semble y avoir un réel besoin et une réelle volonté de changement au sein du système de justice pénale. Je ne veux pas non plus minimiser la part de responsabilité qui revient au système colonial. Mais lorsque je parle à des partenaires du système de justice à l’échelle de la province, je constate une volonté de faire les choses autrement, car le système actuel ne fonctionne pas.
Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble – Miranda, Mark et moi-même – et que nous avons proposé ces idées, j’ai été assez surpris de la fréquence à laquelle nos idées ont été facilement acceptées. Il semble que tout le monde est sur la même longueur d’onde en ce qui concerne le besoin de changement. Un des défis, en ce qui me concerne, était de savoir si nos idées interagissaient avec le système actuel. Et la réponse est « oui », mais il y a certainement eu des défis. Les gens vont demander : « que voulez-vous dire par prise en charge préalable au dépôt d’accusations? ». Cela semble évident, mais j’ai dû l’expliquer à beaucoup de personnes.
Alors, nous sommes un peu en terrain inconnu, et les gens vont dire : « vous ne pouvez pas faire ça ». En fait, oui, nous le pouvons; nous l’avons fait, manifestement. J’arrête là, merci.
Denise Webb : Miranda ou Mark, avez-vous autre chose à ajouter?
Miranda Seymour : Peut-être au risque de répéter certaines des choses que le Dr Webb a déjà dites. Je me suis jointe à cet organisme, et j’ai entrepris ce travail en constatant un défi semblable, celui d’être un tout nouvel organisme qui tente de croître dans une superficie aussi vaste que la Colombie-Britannique. Cela m’a quelque peu rappelé la faculté de droit. J’ai mentionné plus tôt que j’ai fait partie de la première classe de l’Université Thompson Rivers (TRU), et d’une nouvelle faculté de droit. Les gens ont fait preuve d’un certain scepticisme, à savoir si la première nouvelle faculté de droit au Canada depuis trois décennies en serait une de qualité, si elle permettrait d'offrir un enseignement comparable ou encore mieux que l’enseignement offert dans les facultés de droit bien établies, si elle durerait, et si les étudiants et les enseignants opteraient pour TRU au lieu des autres « facultés de droit réputées ». Mais elle est encore là. La faculté de droit a fêté le dixième anniversaire de sa première classe diplômée, et exerce encore ses activités. En mai 2024, pour la première fois, la faculté de droit a été l’hôte du Kawaskimhon Moot, qui est un concours de plaidoirie autochtone. En ce moment à la faculté de droit, on compte un chargé de cours autochtone et un professeur autochtone à temps plein. La faculté continue d’exercer ses activités, et il semble qu’elle tente d’intégrer davantage de façons de faire et de savoir autochtones.
De façon semblable, le Conseil de justice a grandi rapidement dans certains domaines, et peut-être un peu plus lentement et plus attentivement dans d’autres domaines, et il y aura des défis en cours de route. Mais je crois que les défis ont été abordés de la bonne façon, par la mise sur pied d’équipes fortes, comme l’ont mentionné Jason et Mark, et en veillant à ce que chaque membre de l’équipe se sente appuyé et valorisé. En décembre 2023, quand je me suis jointe à l’organisme, j’ai eu l’occasion d’assister à une cérémonie de bienvenue des nouveaux employés. En repensant à mon temps passé dans un milieu de travail traditionnel, je n’avais jamais été accueillie de la sorte dans une entreprise. Nous avons pu prendre part à une cérémonie des couvertures. Des Aînés des Premières Nations locaux nous ont souhaité la bienvenue. On nous a même donné la possibilité de porter des vêtements traditionnels si nous le souhaitions. Cette journée a été pour moi si agréable et riche sur le plan de la culture, que parfois, durant les périodes plus stressantes ou lorsque je me sens dépassée, je repense à cette première journée si spéciale, et je me rappelle que le Conseil de justice s’engage à faire les choses de la bonne manière, de notre président jusqu’aux autres employés qui travaillent en vue de faire progresser la stratégie en matière de justice.
Mark Connelly : C’était formidable, Miranda, merci. Et parlant de défis, lorsque j’ai commencé à travailler pour le BCFNJC; même avant mon premier entretien, je me suis demandé : « pourquoi moi? Je ne connais absolument rien du système de justice pénale ». On pense à d’énormes entités qui exercent leurs activités au sein du système d’un point de vue colonial, alors que moi, j’abordais ce système dans une optique qui tient compte des traumatismes, et en tant qu’homme autochtone qui travaillait dans les soins de santé et qui était plongeur glorifié – c’est ce que j’étais en tant que chef cuisinier et directeur général – je me suis rendu compte que le fait de simplement travailler avec les gens en vue de les détourner du système de justice pénale soulève les mêmes préoccupations sous-jacentes, car ce système est brisé, et nous devons aider ces gens. Le fait d’être en mesure d’aider ces gens de façon saine les tiendra à l’écart du système de justice pénale.
C’est un réel défi de surmonter cela. Il ne doit pas nécessairement s’agir d’un langage ou d’une stratégie en particulier, l’important, c’est la mission au cœur de ce que fait le BCFNJC; celle d’offrir un point de vue culturellement sûr qui tient compte des traumatismes à toutes les diverses nations avec lesquelles nous travaillons en Colombie-Britannique. Chaque stratégie qu’on lit, chaque champ d’activités donne le ton à la façon dont nous abordons le système de justice pénale. Avons-nous besoin d’avocats pour réécrire ces politiques? Évidemment, mais je crois que le fait de m’être joint à l’organisme en tant que travailleur social ayant un point de vue tout à fait différent sur la question nous aide davantage.
Andrea Menard : Merci, Mark. Quels conseils donneriez-vous à nos auditeurs qui souhaiteraient participer à leurs propres programmes semblables à ceux dont nous avons parlé aujourd’hui, ou les élaborer, et comment peuvent-ils s’assurer de réaliser ce travail de la bonne façon?
Miranda Seymour : Je ne sais pas si ça semble évident, mais je conseillerais de ne pas avoir peur de faire les choses autrement. Il n’est pas toujours nécessaire de faire les choses de la même façon, juste parce qu’une personne a dit une fois : « c’est la façon dont on a toujours fait les choses ». Il ne faut pas avoir peur de remettre en question et de contester le statu quo. S’il existe une meilleure façon de faire les choses, nous devrions absolument l’adopter. Il faut aussi s’assurer d’écouter toutes les voix. Dans un pays comme le Canada, où des voix autochtones ont été passées sous silence, il est important de donner la parole à tout le monde autour de la table, surtout dans une province comme la Colombie-Britannique, qui abrite 204 Premières Nations, ainsi que de nombreuses voix inuites et métisses.
Je crois qu’il est également important de collaborer avec les nombreux organismes locaux et ONG autochtones et non autochtones qui effectuent beaucoup de ce bon travail depuis de nombreuses années. Comme il a été mentionné précédemment, nous nous efforçons de ne pas dédoubler le travail qui se fait actuellement sur le terrain dans les nombreuses collectivités à l’échelle de la province. Nous souhaitons plutôt appuyer et respecter le travail accompli par de si nombreux organismes qui ont travaillé et lutté dans ces milieux bien avant la création du Conseil de justice. Plus nous pouvons travailler ensemble pour l’amélioration des conditions de vie des personnes autochtones, mieux sera la situation, et, espérons-le, en créant des situations différentes pour tout le monde.
Andrea Menard : Merci, Miranda, Dr Webb?
Jason Webb : Oui, merci, Miranda. C’est parfait, la première chose qui me vient à l’esprit, c’est que si vous êtes une communauté qui souhaite lancer son propre programme de déjudiciarisation avant le dépôt d’accusations, venez nous voir. Il nous ferait plaisir de discuter avec vous. Nous avons envisagé que la création de ce programme pilote ne desservirait pas seulement Prince George; nous souhaitons voir la mise en œuvre de ce programme à travers la Colombie-Britannique. Pas seulement dans les municipalités, mais aussi dans les patries des Premières Nations. Nous voulons qu’il soit largement utilisé. Il évoluera, bien sûr, au fil du temps. Alors, venez nous parler. Nous sommes très aimables, et nous adorons discuter avec les gens.
Je tiens également à souligner la grande importance de l’aspect relationnel de ce programme. Une des choses que j’avais imaginée, c’était la création d’un réseau communautaire de déjudiciarisation, au sein de la municipalité, car j’ai une formation en sociologie urbaine, je pense donc aux villes. C’est fantastique d’avoir un réseau communautaire de déjudiciarisation. Tous les partenaires communautaires joignent leurs efforts en vue d’aider des personnes en situation de crise avant que les choses ne commencent à dégénérer, avant que ces personnes s’enracinent davantage dans le système de justice pénale. Je crois donc que l’établissement de relations est une très grande partie de ce travail. Je le dis souvent, mais ce n’est que la normale des choses.
Et vous savez quoi? Il n’y a rien de mal non plus à mener de bonnes recherches. Essayez de déterminer les principales préoccupations relatives à la justice dans votre communauté. Posez des questions aux personnes qui sont impliquées, par exemple sur ce dont elles ont besoin exactement. Je crois qu’il existe bien des façons différentes de faire des recherches. Je suis une personne empiriste, mais également post-positiviste, ce qui veut dire que tout peut servir de données, pas seulement les récits. Les émotions sont également des données. Je crois donc que les recherches rigoureuses vous mettent sur la voie de la réussite, car souvent, lorsque vous cherchez à obtenir un financement, surtout auprès de l’état colonial, il est bien vu d’avoir effectué ce genre de recherches. Le travail d’un point de vue qualitatif est aussi valide que celui d’un point de vue quantitatif, n’est-ce pas? Il existe donc plusieurs façons de procéder.
Andrea Menard : Dr Webb, pour en revenir à ce que vous avez dit, pour que tous puissent bien comprendre, « qualitatif » désigne l’écoute des récits des gens?
Jason Webb : Exactement.
Andrea Menard : Et cela peut se faire hors des sentiers battus. La recherche autochtone englobe également tout ce que pensent les personnes autochtones. C’est ce que vous pensez, c’est quand les gens déterminent ce qu’ils souhaitent rechercher dans leur communauté?
Jason Webb : La narration et les récits, et la narration individuelle constituent des « données ». Je place le mot entre guillemets, mais à mes yeux, c’est tout aussi important que de se pencher sur le nombre de personnes par année qui font l’objet d’arrestations pour un même motif en particulier. Nous voulons en savoir plus sur l’expérience humaine, sur les interactions des personnes autochtones avec les agents de police, et sur leur expérience personnelle lors de ces interactions. C’est là que nous pouvons commencer à déterminer certains enjeux.
Par exemple, j’ai effectué des recherches dans d’autres villes, où des personnes en situation d’itinérance, y compris des personnes autochtones, ont parlé de la façon dont les agents de police confisquent leurs drogues et leur matériel de consommation, comme des pipes, du nettoyant et du papier d’aluminium, ou autre chose qu’ils trouvent, ce qui est très dangereux pour une personne qui consomme des substances. C’est très, très dangereux. Je crois que cette situation, en soi, est une source de données. J’espère que ce que je dis a du sens.
Andrea Menard : Oui, et vous dites encourager les personnes à faire des recherches, par ce qu’il faut avoir des données probantes pour obtenir ces subventions?
Jason Webb : Parfois oui. En fait, oui, la plupart du temps.
Andrea Menard: Parce qu’ils sont colonialistes, et qu’ils ne…
Jason Webb : Exactement. C’est exactement ça, oui. Je finis toujours par en arriver aux faits, il faut seulement être patient avec moi (rires).
Andrea Menard : Non, c’est super. Merci beaucoup, car il m’est arrivé de présenter une demande de subvention, en tant que personne autochtone, et qu’on m’a demandé où étaient mes données. J’ai répondu que j’utilisais des données créatives. Je me suis dit que je devrais m’en aller. Mais nous avons besoin de personnes comme ça pour nous encourager tous à nous dire que si nous continuons de le faire, les gens vont changer.
Jason Webb : Oui, continuez de le faire. Oui, la mission professorale n’est pas une question d’intelligence, c’est une question de persistance. C’est tout simplement ça. C’est continuer à mettre de l’effort jusqu’à l’obtention des résultats escomptés qui ne sont pas particulièrement bénéfiques pour sa carrière; ils sont bénéfiques pour la communauté. C’est ce que l’on devrait être en train de faire.
De toute façon, c’est mon idéalisme en ce qui concerne la mission professorale.
Andrea Menard : Merci Dr Webb. Et vous, Mark?
Mark Connelly : Pour ajouter à ce que mes collègues Jason et Miranda ont dit, je vais parler de ce que j’ai vu depuis que je me suis nouvellement joint au BCFNJC. Je vais simplement dire que j’ai vraiment essayé d’intégrer les concepts de l’approche à deux yeux, selon lesquels nous devons parler la langue du système de justice pénale, ainsi que celle de nos bailleurs de fonds, car nous ne sortons pas cet argent d’un chapeau magique. Nous avons besoin de ces données quantitatives sous forme de case à cocher qui proviennent de nos interactions avec les gens. Notre objectif global est de réduire le taux de récidive et d’éliminer complètement les interactions avec la GRC, mais cela ne peut se faire de façon purement quantitative ou qualitative. Il faut être en mesure de parler la langue des avocats, mais d’incarner la sympathie d’un travailleur social. Il s’agit de travailler avec une personne, assise à une chaise, que la GRC vient tout juste d'amener, et ce, de façon sécuritaire sur le plan de la culture.
Souhaitons-nous que le droit autochtone soit au cœur de ce programme? Oui, mais nous devons être capables de parler la langue du Code criminel afin de le reformuler et de repenser sa conception, et de mettre en place les pratiques nous permettant de travailler au sein de ce système, en sachant que c’est frustrant et que ce système a été conçu en vue de mettre des obstacles sur notre route. Il faut faire preuve de beaucoup de créativité lors de la conception de nos programmes et initiatives de déjudiciarisation; ce n’est pas un plan directeur à copier et à coller que le gouvernement souhaite obtenir, c’est un aperçu de ce dont la communauté a besoin pour soutenir les personnes.
Andrea Menard : Merci, Mark. Le dernier commentaire que je souhaite faire est le suivant : je crois qu’une des choses les plus importantes qui se passent c’est la relationnalité, le droit autochtone. Ce que je comprends de ce qu’ont dit Miranda, Jason et Mark, c’est qu’il s’agit d’un changement. Ceci est relationnel, et nous adhérons aux lois autochtones, qui régissent tout ce que nous faisons, et qui deviennent des racines qui remontent aux racines de qui nous sommes en tant que peuples, en tant que peuples autochtones. Ce sont les lois autochtones qui permettront de guérir, ce sont les lois autochtones qui combleront les écarts, et nous parlons aujourd’hui de relationnalité, et c’est ça le droit autochtone.
Denise Webb : Cela conclut notre séance. La conversation et la discussion ont été phénoménales. Je suis si inspirée, et je sais que les auditeurs le sont également. Ce fut un vrai plaisir d’entendre ce que vient de dire Andrea, et ce qu’ont répété Miranda, Jason et Mark, c’est-à-dire qu’il est possible d’adopter une approche de décolonisation pour modifier la façon dont le système fonctionne. C’est ce que vous faites, vous ouvrez la voie à d’autres et vous montrez l’exemple à suivre. Il a été formidable d’en entendre parler.
Le rapport que j’ai écrit à ce sujet et qui a précédé cette baladodiffusion traite des enjeux de santé, les enjeux de santé systémique qui sont omniprésents dans l’ensemble du système, et le fait que le système actuel ne fonctionne pas. Ce qui ressort de toute la documentation à ce sujet, c’est la nécessité d’adhérer aux lois autochtones, de revenir à la façon dont les choses devraient être, et de mettre en valeur et d’appuyer la notion de l’autodétermination. C’est l’objectif même de cette baladodiffusion, apprendre comment cela se fait. Je crois que cela a permis de mettre en lumière des exemples incroyables de la façon d’y parvenir et d’inspirer les autres.
Je vous remercie infiniment pour votre temps et votre énergie, et pour votre soutien envers ce balado.
Jason Webb: C’est parfait, merci de nous avoir invités.
Mark Connelly: Merci. Au plaisir.
Miranda Seymour: Thank you, Mahsi'choo. Merci.
Andrea Menard: Thank you. Merci, Miigwetch. Hiy hiy.