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Dr Christopher Mushquash

Baladodiffusion : Les voix du terrain 10 - Soutenir la santé mentale et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis lors de pandémie de la COVID-19

avril 2020

Un séries baladodiffusion : Les voix du terrain
Un séries baladodiffusion :
Les voix du terrain

Les voix du terrain

Bienvenue aux Les voix du terrain, un balado produit par le Centre de la collaboration nationale de la santé autochtone (CCNSA) qui met l’accent sur la recherche innovante et les initiatives communautaires promouvant la santé et le bien-être des peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis au Canada.

Épisode 10 : Soutenir la santé mentale et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis lors de pandémie de la COVID-19

Cet épisode « Les voix du terrain » est basé sur une conversation portant sur la pandémie COVID-19 qui a eu lieu avec le Dr Chris Mushquash, psychologue clinicien. Cette discussion porte sur certains des facteurs de stress liés à la santé mentale qui pourraient affecter les Premières Nations, les Inuits et les Métis en raison de la pandémie et sur les lignes directrices relatives à l’éloignement physique. Le Dr Mushquash propose également des pratiques visant à soutenir la santé mentale et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis, de leurs familles et de leurs communautés pendant cette urgence de santé publique.

 

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Dr Christopher Mushquash
Dr Christopher Mushquash

Biographie

Christopher Mushquash, Ph.D., C.Psych. est titulaire d’une chaire de recherche du Canada sur la santé mentale et les dépendances chez les Autochtones, et professeur agrégé au Département de psychologie de l’Université Lakehead et à la Division des sciences humaines de l’École de médecine du Nord de l’Ontario. Il est le directeur du Centre for Rural and Northern Health Research de l’Université Lakehead. Il est aussi vice-président adjoint de la recherche au Centre régional des sciences de la santé de Thunder Bay et scientifique en chef à l’Institut régional de recherche en santé de Thunder Bay. En plus de ses fonctions universitaires, le Dr Mushquash est psychologue clinique agréé et fournit des services d’évaluation, d’intervention et de consultation aux enfants, aux adolescents et aux adultes des Premières Nations au sein de l’organisation Dilico Anishinabek Family Care. Le Dr Mushquash a reçu de nombreux prix pour son travail, dont le Prix du nouveau chercheur décerné par le président de la Société canadienne de psychologie, le Prix d’excellence remis aux anciens étudiants de l’Université Lakehead, le Northwestern Ontario Visionary Award, et la Bourse de nouveau chercheur du ministère de la Recherche, de l’Innovation et des Sciences de l’Ontario et il a reçu la Bourse de début de carrière scientifique et pratique de la section clinique de la Clinical Psychological Association. En 2017, il a été admis au Collège de nouveaux chercheurs et créateurs en art et en science de la Société royale du Canada. Il est actuellement vice-président du conseil consultatif de l’Institut pour les Instituts de recherche en santé du Canada, Institut de la santé des Autochtones. Il est membre du conseil d’administration de l’Association de psychologie de l’Ontario et de la Fondation canadienne pour l’innovation. Le Dr Mushquash est ojibwé et membre de la Première Nation de Pays Plat.

 

Transcription

Rick Harp – Professeur Mushquash, quels types de stress pour la santé mentale les peuples autochtones pourraient-ils ressentir à la suite de la pandémie?

Dr. Mushquash – C’est une bonne question. Je pense que l’une des choses sur lesquelles il sera important de réfléchir et de parler pendant la pandémie est non seulement les expériences communautaires, mais aussi les expériences individuelles. Nous savons que chaque personne réagit différemment aux situations difficiles, et ce, en fonction de différents facteurs, qu’il s’agisse de sa capacité interne de résilience ou des liens sociaux qu’elle entretient avec les sources de soutiens qui l’entourent. Mais, d’une manière générale, je pense que le stress que beaucoup ressentiront à la suite de la pandémie sera amplifié par bon nombre de sentiments que nos communautés éprouvent déjà en raison de l’isolement ou du manque d’accès aux services, etc. Je pense que lorsqu’on discute actuellement avec les communautés, une grande partie des préoccupations tournent autour des mêmes défis que nous rencontrons quotidiennement, comme les restrictions en matière de logement, les problèmes de toxicomanie, les traumatismes, les différents problèmes de santé mentale, le manque d’installations sanitaires et d’eau potable, etc. Vous savez que ces obstacles sont des réalités dans bon nombre de nos communautés et je pense qu’ils s’amplifient lors de situation comme celle de la pandémie de la COVID-19. Dans certaines communautés où l’accès à l’eau potable est limité, le lavage fréquent des mains devient extrêmement difficile, n’est-ce pas? Les restrictions causées par l’éloignement physique sont tout aussi difficiles. Vous savez, les logements qui tombent en ruine ou les logements dans lesquels de nombreuses personnes vivent, rendent difficile l’éloignement social. Dans ce cas, nous devons examiner la situation de communauté à communauté, voire de famille à famille ou de ménage à ménage, et examiner ces recommandations d’éloignement physique et déterminer comment les contextualiser en fonction de nos réalités. Je pense que les déterminants sociaux sont une chose à laquelle nous sommes confrontés tous les jours dans nos communautés et qu’ils sont amplifiés dans des situations comme celle-ci où il est difficile de respecter les recommandations spécifiques qui sont mises en place compte tenu des réalités et des problèmes d’infrastructure qui sont propre à nos communautés.

Cependant, j’ai remarqué que de nombreuses communautés à travers le pays ont été avant-gardistes en ce qui concerne la pratique de l’éloignement physique et la mise en place de processus communautaire pour limiter les déplacements d’entrée et de sortie et protéger les plus vulnérables. Je suis optimiste à cet égard. D’une certaine manière, les mêmes problématiques d’isolement qui sont souvent perçues comme des défis pour nos communautés lorsqu’il s’agit d’obtenir des services et des soins adéquats pourront être bénéfiques et nous offrir une longueur d’avance pour contenir la COVID-19.

Rick Harp – Professeur Mashquash, pouvez-vous nous en dire plus sur les différents effets que la COVID-19 peut avoir au sein des diverses populations autochtones?

Professor Mushquash – Encore une fois, c’est une question complexe et j’aimerais commencer par vous parler des choses qui seront vécues par toutes les populations. Je pense qu’à des moments comme ceux d’une pandémie, il y a des aspects de la réponse qui exigent que nous nous réunissions en tant que communauté, indépendamment des différences individuelles. Cela dit, vous savez que, lorsqu’il s’agit d’une expérience partagée, il y a toujours au sein de celle-ci des défis qui sont différents d’une population à l’autre. Nous savons donc, par exemple, que les personnes âgées ou les patients immunocompromis ou ayant des conditions de comorbidité semblent avoir un risque plus élevé de complications à la COVID. Ces groupes ne seront donc évidemment pas touchés de la même façon que les autres, et ils seront également au sein des communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, de toutes les tranches d’âge et de tous les genres. Il arrive souvent que les personnes appartenant à des groupes plus marginalisés soient plus touchées par l’isolement social et par l’incapacité à se réunir avec leur groupe social. Ainsi, les groupes de personnes LGBTQ2S peuvent rencontrer des difficultés particulières lorsqu’il s’agit d’activer leur cercle de soutien social. Le plus important est de comprendre comment les gens partageront cette expérience et ensuite de voir comment les autres personnes appartenant à des groupes spécifiques traverseront cette situation. Bien entendu, un domaine qui nous préoccupe particulièrement dans nos collectivités concerne les personnes qui éprouvent des problèmes de santé mentale ou des problèmes de toxicomanie; notamment si les soins médicaux ou les soins de santé mentale habituels de ces gens commencent à être perturbés. Cette situation pourrait bien sûr s’aggraver et compliquer les choses à la maison, et des personnes devront être prises en charge. Donc, dans l’ensemble, la situation exige beaucoup de réflexion sur tous les niveaux communautaires, mais aussi au niveau des partenaires et des organisations partenaires de la province et du gouvernement fédéral, et ce, afin de nous assurer que nous prenons soin des gens selon leurs besoins spécifiques.

Rick Harp – Dr Mushquash, en ce qui concerne la santé mentale et le bien-être des Premières Nations, des Inuits et des Métis, existe-t-il des ressources ou des pratiques particulières pour soutenir leur santé mentale, surtout compte tenu de l’éloignement physique?

Dr. Mushquash – L’une des choses dont je parle beaucoup, c’est d’utiliser les apprentissages provenant de notre culture, de la nature et de les transposer dans nos foyers, dans nos maisons. En particulier dans un moment comme celui-ci, il devient important de faire de notre mieux pour maintenir les structures et les objectifs que la nature nous procure, n’est-ce pas? De la même manière que nous nous engagerions dans des activités quotidiennes qui favorisent l’accomplissement et la réussite, etc., vous savez, nous le ferions et nous allons essayer de continuer à le faire dans nos foyers. Nous nous assurerons que nous faisons suffisamment d’activité physique, que nous dormons aussi bien que possible, que nous mangeons aussi bien que possible et que nous essayons vraiment de faire ces choses de manière structurée. D’un autre côté, nous devons reconnaître que les choses sont maintenant tellement perturbées que nos façons habituelles de faire au sein de nos familles et de nos communautés le sont aussi. Nous avons également de la compassion pour nous-mêmes, pour nos familles et pour les membres de nos communautés. Vous voyez donc actuellement des gens qui adoptent différentes approches pour essayer de gérer le stress associé à la COVID. D’un côté, vous avez des gens qui semblent acheter des ressources d’une manière qui nuit aux autres. Par conséquent, on constate par exemple des pénuries de papier toilette et d’autres fournitures nécessaires et nous reconnaissons qu’il s’agit d’une réponse à une situation stressante et imprévisible. D’un autre côté, vous savez qu’il y a des gens qui ont des difficultés à comprendre certains des messages d’éloignement social et physique et qui prennent peut-être un peu plus à la légère cette approche. Il est facile de se sentir frustré par les gens, qu’il s’agisse de membres de la famille, de la communauté ou d’amis, etc., tout en reconnaissant que ce sont des réponses relativement typiques à des choses stressantes, des choses imprévisibles. Donc, psychologiquement, ce dont les gens ont besoin, c’est d’une compassion, de la chaleur, d’une validation pour pouvoir dire : « Hé, vous savez que je sais bien que c’est votre façon de réagir au moment présent. Comment puis-je aider, comment pouvons-nous aider »? Il est utile de réfléchir à certaines sources de soutiens. L’une des choses que nous avons apprise des recherches sur les crises est que l’utilisation excessive des médias sociaux peut en fait accroître l’anxiété par rapport aux sources médiatiques traditionnelles. C’est une considération importante, n’est-ce pas? Nous voulons donc vraiment nous assurer que les gens ne s’abreuvent pas trop de médias sociaux et ne se laissent pas prendre, je suppose, par la désinformation, les rumeurs et les ragots qui peuvent y circuler. L’autre chose que nous savons, c’est que l’abus de médias, quels qu’ils soient, peut également affecter notre bien-être. Je pense donc qu’il est important de prêter vraiment attention, au sein de nos communautés, aux informations qui sont fiables, valables et qui proviennent de sources utiles. Au sein de nos propres communautés, il existe de nombreuses ressources et pratiques qui peuvent soutenir la santé mentale et le bien-être. Voici donc une excellente occasion pour se rendre visite, pour passer du temps ensemble, pour prendre le temps d’écouter les histoires des gens qui vivent avec nous, pour discuter, pour rire, pour vraiment observer le contexte et la situation dans laquelle nous nous trouvons, puis réfléchir aux sources de stress et aux difficultés. Mais à l’inverse de cela, il existe aussi des possibilités. Il y a la possibilité de se connecter de différentes manières, de passer plus de temps ensemble, de vraiment travailler dur pour établir des relations, etc. Je pense que beaucoup de communautés intègrent également ce type de soutien naturel. Sur le plan communautaire, il est évident que le chef et le conseil deviennent des personnes importantes avec lesquelles il faut s’engager afin de nous assurer que nous diffusons des informations exactes. Nous devons aussi nous assurer que les personnes isolées physiquement, comme les personnes âgées et celles dont la santé est compromise, etc., disposent des ressources nécessaires pour faire leur épicerie, avoir du bois de chauffage et acquérir les biens essentiels pendant que les recommandations d’éloignement physique sont en place. Des organisations fournissent certaines ressources, qui se trouvent également dans nos communautés, c’est-à-dire au sein de notre peuple, dans notre culture, dans nos pratiques, dans nos relations et plus encore.

Rick Harp – Professeur Mushquash, merci.

Professor Mushquash – Merci beaucoup.

Rick Harp – Pour écouter les autres balados disponibles, dans la série « Les voix du terrain » veuillez visiter le site Internet du Centre de collaboration national de la santé autochtone au https://www.ccnsa.ca/fr/. La musique de ce balado a été créée par Blue Dot Sessions. Utilisée sous licence Creative Commons. Apprenez-en davantage à www.sessions.blue.

 

Voir la biographie et la transcription du conférencier